Avant-Propos
175
Les aménagements hydrauliques
175
CHAPITRE V. Les aménagements hydrauliques
Bernard GEYER et Jean-Yves MONCHAMBERT
La quasi-totalité des activités dans la vallée de l’Euphrate
est commandée par le fleuve. Il représente simultanément
l’unique ressource en eau douce pérenne et l’agent essentiel
de la morphogenèse. Dispensateur de richesses et cause de
désastres, il convenait donc, dans la mesure du possible, de
le domestiquer. Il fallait en tout cas composer avec lui, se
mettre à l’abri de ses fureurs et profiter ainsi au mieux de
ses bienfaits. Durant certaines époques — l’âge du Bronze,
l’époque néo-assyrienne ou encore l’époque islamique —
l’homme a su remodeler la vallée de telle manière qu’elle
put être mise en valeur sur une grande échelle : on peut,
pour ces périodes fastes et dans le cadre spécifique de la
vallée, évoquer la notion de « monde plein ». Alimentation
en eau, irrigation, navigation et transport, telles ont été les
principales contributions du fleuve.
L’essentiel des aménagements repérés dans la vallée et
ses abords apparaissent destinés à l’irrigation. À partir de
quand celle-ci y fut-elle pratiquée ? Les premières tentatives
pourraient avoir été faites dès l’époque de Halaf , mais il ne
s’agissait probablement que de petite irrigation, pratiquée
avec des moyens limités qui n’ont laissé ni traces, ni vestiges.
La grande irrigation, qui nécessite des techniques élaborées
et des moyens importants, ne peut guère avoir été mise en
œuvre avant les débuts de l’âge du Bronze lorsque se
constituèrent des « cités -États » et que se développa ,
notamment, le royaume de Mari.
Petite et grande irrigations ont certainement coexisté,
au moins temporairement. La première, facile à mettre en
œuvre par l’intermédiaire d’aménagements hydro-agricoles
légers (
,
,
, etc.) n’a probablement
jamais totalement disparu, puisqu’elle a été pratiquée, non
seulement par les sédentaires , mais également par les
nomades 2, lesquels se procuraient ainsi un complément de
produits alimentaires indispensable à leur survie. Les traces
que ces aménagements auraient pu laisser ont été totalement
effacées de la surface du sol. La pratique de la petite irrigation
n’est donc guère détectable dans le cadre d’une prospection :
nous ne l’aborderons pas ici. En revanche, la grande irrigation
et, de manière plus générale, la mise en valeur agricole à
grande échelle laissent des traces multiformes qui sont
souvent encore interprétables.
Cependant, les conditions de la mise en valeur en rive
gauche et en rive droite ne sont pas identiques 3. La première
se révèle par nature propice à la petite irrigation, avec des
terroirs souvent fractionnés par des pointements de la
formation QII et une largeur généralement restreinte, facteurs
qui ont pour conséquences d’assurer un drainage plus
efficace qu’en rive droite et donc de diminuer les risques de
salinisation des sols. C’est sur cette rive orientale que se
concentra l’essentiel du peuplement durant les époques de
moindre occupation ou lorsque ne furent pas mis en œuvre
de très gros aménagements hydro-agricoles,
mieux
adaptés aux larges terrasses de la rive droite. Seules les
périodes ayant connu des efforts de mise en valeur
exceptionnels, comme le Bronze ancien, le Bronze moyen
ou l’époque islamique ont vu le peuplement se répartir de
manière plus équilibrée dans l’ensemble de la vallée.
Nous évoquerons, dans ce chapitre, les différents types
d’aménagements que nous avons pu rencontrer, des plus
imposants — les canaux — aux plus discrets — les norias
ou les
—, en passant par les plus fréquemment décrits
— les barrages.
1 - Cf. chap. VI, p. $$.
2 - CHARLES 1939, D’HONT 1994.
3 - Cf. chap. II, p . $$.
4 - Plusieurs publications ont déjà
agricoles de la vallée, en particulier GEYER et MONCHAMBERT 1983, 1987 b.
On se reportera aussi à BERTHIER et D’HONT 1994 ; DURAND 1990 a, 1998 ;
GEYER 1984, 1985, 1990 a, 1995 ; GEYER et MONCHAMBERT 1989 ; LAFONT
1992 ; MARGUERON 1991 b, 1998 b.
1
chadouf
nasba
gharraf
concerné les aménagements hydro-
a priori
qants
LES CANAUX
La prospection a révélé un système d’aménagements
complexe et ingénieux, comprenant entre autres une série
de canaux, différemment conçus selon leur fonction (fig . 1)
et qui permettaient une mise en valeur maximale de la
vallée 4. L’alimentation en eau des villes, celle des vastes
périmètres d’irrigation par des canaux gravitaires, le drainage
et la navigation furent ainsi habilement assurés par ces
ouvrages imposants.
176
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Type 1. Canal d’amenée d’eau (canal de Mari)
NE
SO
8m
7
Tell Hariri-Mari
6
5
ville basse
4
chenal
3
2
1
0
0
50
100
150
200
250
300 m
Type 2. Canal d’irrigation (canal principal d’irrigation)
ENE
OSO
digue
digue
6m
5
chenal
4
3
2
1
0
0
50
100
150
200
250
300 m
Type 3. Canal d’évacuation des eaux (canal périphérique de rive droite)
NE
SO
45 m
44
plateau
6
5
terrasse holocène
glacis
chenal
4
3
2
1
0
0
50
100
150
200
250
300 m
niveau moyen actuel de la terrasse alluviale
Type 4. Canal de navigation ? (Nahr Dawrin)
Nahr Dawrin
25 m
20
15
10
5
plateau de Jézireh
0
100
Fig
glacis
200
300
400
terrasse holocène
500
600
700 m
. 1 - Les différents types de canaux repérés dans la vallée de l’Euphrate.
800 m
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
LES CANAUX D’AMENÉE D’EAU
Nous avons évoqué les dangers — sapements latéraux
engendrés par la force érosive du flot et destructions dues à
la violence des débordements — que couraient les
installations humaines lorsqu’elles étaient situées à proximité
immédiate du fleuve. Seuls les bourrelets de rive et, plus
encore, les môles-butoirs offraient un minimum de sécurité.
Mais leur taille, toujours restreinte 5, ne permettait guère aux
agglomérations de se développer sans risque. Une cité
pouvait certes s ’ étendre peu à peu en profitant de
l’accumulation des déchets qu’elle générait pour rester hors
de portée des crues, mais cette expansion ne pouvait qu’être
lente. La fondation d’une ville, ex nihilo, n’était envisageable
qu’à l’écart du fleuve, sur les surfaces planes et vastes
proposées par les terrasses alluviales ou les plateaux : tel fut
le cas notamment de Mari et de Doura-Europos. Dans ces
cas se posait le problème crucial de l’accès à l’eau.
Le canal de Mari
Le problème posé par l’alimentation en eau de la cité de
Mari, dont le centre (restitué) était à un peu plus d’1 km du
plus proche méandre (cf. chap. IV, fig . 1 8), semble avoir
été résolu, sans doute dès la fondation de la ville, grâce à
l’aménagement d’un canal d’adduction.
Long de près de 4,5 km, creusé dans la terrasse Q0a 6, il
conduisait l’eau depuis un méandre situé à 2 km en amont
du site, traversait ensuite ce dernier avant de rejoindre un
autre méandre au sud-est.
La prise d’eau
Nous ne savons rien de l’aménagement de prise, détruit
par le flot ou masqué par les alluvions. Seuls le modelé de la
terrasse, à son emplacement supposé, et le dessin du tracé
du canal nous permettent de dire que la prise se faisait dans
la concavité d ’un méandre aujourd ’hui abandonné et
partiellement comblé. Le choix de l’emplacement était
judicieux puisqu’un môle-butoir, sur lequel est d’ailleurs
venu s’implanter un des hameaux actuels d’Es Saiyl,
bloquait, non loin en aval, le développement du méandre,
assurant ainsi la pérennité de l’ouvrage.
Le tracé
Le canal s’éloignait du fleuve quasiment à angle droit,
puis, par une large courbure, s’orientait vers le sud-est, en
direction de la cité. Seule cette section amont, courbe, est
encore relativement bien conservée et parfaitement visible
5 - Quelques exceptions existent : ainsi, à Buseire (77 55), lieu hautement
stratégique de la confluence de l ’Euphrate et du Khb‚r , la bonne
conservation de la formation QII a permis, à plusieurs reprises dans l’histoire,
le développement de cités importantes : Korsoté/Circesium/Qarq¬siyya-alHb‚r (cf. chap. IV).
177
177
dans le paysage très plat du fond de vallée. Le chenal
d’écoulement, raccordé au lit de l’Euphrate, fragilisé par son
encaissement important dans la terrasse, était protégé par de
puissantes digues, qui s’élèvent encore de près d’1 m audessus de la surface actuelle de la terrasse. L’envergure de
l’aménagement, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, érodé
et « fondu » , est de l ’ordre de 200 m (f i g . 2 a). Ces
dimensions impressionnantes ne pouvaient être dues qu’à
l’impérieuse nécessité de protéger la voie d’eau contre des
inondations auxquelles elle était potentiellement exposée de
plein fouet.
Plus à l’aval, une fois sorti de sa courbure, le canal n’est
plus visible que par une trace en faible creux, qui s’observe
très bien après les pluies 7. Le mauvais état de conservation
de ce segment s’explique par le fait que, depuis son abandon,
il a canalisé les flots lors des inondations, jouant le rôle
d’évacuateur des eaux de crue. Il est cependant facilement
discernable lors de sa traversée du site de Tell Hariri (fig . 3),
où sa largeur — plus de 30 m — (fig . 2 b) est de toute
évidence exagérée par l’érosion de ses berges lors des
épisodes de crue.
Le débouché
Son débouché dans un ancien méandre situé à quelques
centaines de mètres au sud-est du tell ne fait guère de doute.
Le canal, toujours creusé (1 m environ) dans la terrasse,
traverse la levée de berge du méandre, large de 35 à 40 m,
par une percée d’environ 26 m de large, dont on ne conçoit
pas qu’elle puisse être naturelle (fig . 4). De part et d’autre
de l’ouverture, les berges sont surmontées de remblais, hauts
encore de 0 , 8 m environ (f i g . 2 c) , qui proviennent
probablement des curages du chenal , sinon de son
creusement initial.
Fonction du canal et datation
Il est peu probable que la fonction première de ce canal,
creusé sur toute sa longueur dans les alluvions de la terrasse
holocène ancienne, ait été l’irrigation. Même si l’on admet,
sans grand risque de se tromper, que des machines élévatoires
simples , comme le chadouf , devaient exister et être
couramment utilisées pour pratiquer une petite irrigation sur
les berges du fleuve, aucune machine complexe (gharraf,
noria) n’y est attestée pour l’âge du Bronze. L’hypothèse
selon laquelle ce canal aurait servi avant tout à mettre la cité
en relation directe avec le fleuve semble la plus probable. Il
alimentait en eau la ville en même temps qu’il pouvait
faciliter le transport des matières pondéreuses entre celle-ci
et l’Euphrate. Dans cette hypothèse, il fallait qu’il fût
6 - Nous n’avons pas pu y ouvrir de tranchée du fait de la proximité de la
nappe phréatique.
7 - Sa trace est particulièrement bien visible sur la photo publiée dans le
dossier Éblouissante richesse de Mari sur l’Euphrate de la revue Histoire
et Archéologie : les dossiers, no 80, 1984, p. 13.
178
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
a - Secteur de la prise d’eau
altitude
relative
en mètres
canal moderne
altitude
absolue
en mètres
ESE
175
ONO
2
1
174
0
173
–1
50
0
100
150
250
b - Section au droit du site de Tell Hariri-Mari
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
NE
SO
6m
5
Tell Hariri-Mari
177
4
3
175
ville basse ?
2
chenal
1
173
0
–1
171
–2
0
50
100
150
200
250
c - Section au débouché supposé dans le paléoméandre sud
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
NE
SO
2m
174
1
173
0
172
–1
171
–2
0
50
100
150 m
niveau moyen actuel de la terrasse alluviale
Fig. 2 - Profils du canal d’amenée d’eau à Mari.
300 m
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
Fig. 3 - Trace du canal de Mari lors de sa traversée du site de Tell Hariri, vue vers l’amont.
Fig. 4 - Débouché du canal de Mari dans un paléoméandre, vu vers l’aval.
179
179
180
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
fonctionnel toute l’année. Nous ne savons pas comment fut
alors résolu le problème posé par son alimentation en période
d’étiage : peut-être par un seuil semblable à celui que nous
avons observé à la prise du Nahr Sémiramis (cf. ci-dessous,
p . $$
$$), dans le défilé d’Al-Khanouqa 8 (cf. fig . 3 1, p . $$
$$).
Les contraintes liées aux trop forts débits pouvaient
éventuellement être atténuées par l’aménagement, dans la
section amont du canal, d’un déversoir écrêtant les hautes
eaux. Lors des débordements du fleuve, il faut imaginer un
système de vannes permettant de fermer le chenal à hauteur
de la digue qui protégeait la ville.
En relation directe avec Tell Hariri , ce canal est
contemporain de l’ancienne cité de Mari, qui, comme nous
l’avons vu, est implantée à l’écart du fleuve. Il permettait de
résoudre le problème de son alimentation en eau. Il était
donc indispensable à l’existence même de la ville. En
conséquence, il nous semble probable qu’il ait été construit
lors de la fondation de cette dernière , au début du
IIIe millénaire et qu’il soit resté en usage jusqu’à la chute de
Mari au XVIIIe s. av. J.-C.
Le canal de M¨hasan
Le site de M¨hasan 1 (2 5 ; cf. chap. IV, fig . 27), dans
l’alvéole du même nom, à environ 15 km en aval de Deir ez
Z¨r, semble avoir profité d’un aménagement du même type.
Implantée comme Mari sur la terrasse Q0a, à l’écart du fleuve,
à au moins 1 km du plus proche méandre, l’agglomération
devait être alimentée en eau par une voie artificielle
(cf. carte h .- t . I). Sa trace, longue au minimum de 5 km,
part d’un méandre proche du hameau d’El ‘Abid et rejoint
en ligne droite le tell avant de se perdre dans le dédale des
amas éoliens informes qui parsèment la surface de la terrasse
en aval du site.
’
La prise d eau
Apparemment, seul le méandre situé en contrebas du
site de Tell Guftn (2 3 ; f i g . 5) pouvait convenir à
l’installation de prise d’eau de ce canal. L’endroit était
propice, car la configuration très particulière des lieux laisse
présager la présence, à proximité immédiate du tell, d’un
môle-butoir. Il est, de plus, fort probable que Tell Guftn,
qui interpose sa masse entre le canal et le fleuve, a été fondé
postérieurement, à l’époque islamique ainsi que le révèlent
les fouilles effectuées par S. Berthier 9. Comme pour le canal
de Mari donc, il n’y aurait pas eu d’installation importante à
l’emplacement de la prise d’eau. Les aménagements ayant,
là aussi, disparu, il ne nous est pas possible de préciser
comment se faisait la dérivation de l’eau du fleuve vers le
chenal artificiel. Nous reviendrons sur cette question à propos
du Nahr Sémiramis.
8 - Al-Khanouqa ou « l’étrangleur » (LAUFFRAY 1983, p. 65) est aussi connu
sous le nom de « défilé de Halab¬ya-Zalab¬ya ».
Le tracé
Mal conservé, sans doute laminé par les crues, le canal
n’est plus guère visible que grâce à une faible élévation du
terrain due très probablement aux déblais de creusement ou
de curage qui ont été rejetés de part et d’autre du chenal. Ce
dernier apparaît cependant mieux après les pluies du fait de
la légère dépression qui marque son emplacement. Un ancien
méandre, la Surt et Tb¬ye, a failli recouper son tracé. À
hauteur d’un des hameaux de M¨hasan, au sud-sud-est d’El
‘Abid, une dérivation du Nahr Sa‘¬d (cf. ci-dessous) aboutit
dans le canal.
Le débouché
La trace du canal disparaissant totalement après
M¨hasan 1 (2 5), il nous est impossible de préciser où se
trouvait son débouché. On peut supposer qu’il était relié à
un paléoméandre aujourd’hui totalement colmaté, peut-être
celui au bord duquel se situe le site islamique de Tell Hr¬m
(3 0).
Fonction du canal et datation
Si l’on considère la distance qui sépare la prise d’eau et
le site de M¨hasan 1, seule l’hypothèse du canal d’amenée
d’eau est envisageable. En effet, il est difficile d’admettre
que l’eau dérivée du fleuve ait pu rattraper le niveau de la
terrasse en seulement 4,5 km, sachant que la pente moyenne
de celle-ci est de l’ordre de 0,35 ‰ et que la différence
d’altitude entre le fleuve et la terrasse était de toute façon au
moins supérieure à deux mètres (cf. ci-dessous, p. $$).
L’hypothèse d’un usage pour l’irrigation serait envisageable
en aval de M¨hasan 1, mais nous ne savons pas ce qu’il
advient alors de l’aménagement.
Comme dans le cas de Mari, le canal est contemporain
du site avec lequel il est en relation directe. Il permettait, ici
aussi, de résoudre le problème de l’alimentation en eau posé
par la situation de M¨hasan 1, à l’écart du fleuve. Il est dès
lors vraisemblable qu’il ait été aménagé lors de la fondation
de la ville, moment qui n’a pu encore être déterminé avec
certitude 10. D’après la céramique récoltée en surface lors de
la prospection, le site a été occupé au début du IIe millénaire.
Cette époque est la seule pour laquelle nous pouvons
raisonnablement affirmer que le canal était en fonction. Mais
une occupation à des époques antérieures, notamment au
Bronze ancien, n’est pas à exclure. Le doute subsiste
également pour l ’ époque islamique en raison de
l’implantation apparemment modeste qui y est attestée par
la céramique. Toutefois, une remise en fonction du canal à
cette époque n’est pas impossible : elle n’aurait concerné
que les sections médiane et aval, lesquelles auraient été
alimentées à partir d’une dérivation du Nahr Sa‘¬d un peu
en aval de Tell Guftn.
9 - BERTHIER et D’HONT 1994.
10 - Voir chap. IV, p . 36$.
Avant-Propos
181
Les aménagements hydrauliques
181
❚
❚
❚
0
❚
❚
EUPHRATE
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
N
❚
❚
❚
200 m
❚
❚
❚
❚
199,2
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Q0a
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Tell Guftan
(23)
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
197,6
❚
200
❚
Q00
❚
❚
❚
❚
❚
❚
digu
❚
e
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Ca
‘ id
r Sa
Nah
digue
❚
❚
Terrasses alluviales
na
ld
eM
oh
as
cours de l’Euphrate
an
cimetière
cône de déjection
QII
paléoméandre
Q0a
Talus
▲
Q0b
▲
❚
Q00
❚
❚
❚
❚
▲
❚
❚
▲
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
200,5
point coté
190
courbe de niveau
affleurement de
la formation QII
▲
plus de 5 m
tracé de canal
❚
de 1 m à 5 m
canal probable
moins de 1 m
chemin
❚
Fig. 5 - Tell Guftn (carte I, carré C4, no 23) et les canaux de M¨hasan et du Nahr Sa‘¬d.
LES CANAUX D’IRRIGATION
Nous avons vu que l’irrigation des cultures est une
nécessité presque incontournable. Du fait de la salinité de la
nappe phréatique et de la largeur de la terrasse holocène
ancienne, qui peut atteindre voire dépasser les 3 km, cette
dernière ne peut être mise en valeur qu’en recourant à des
aménagements hydrauliques de grande taille branchés sur
l’Euphrate. Certes, une petite irrigation pouvait assurer la
mise en valeur des terres qui, proches du fleuve ou, à la
rigueur, de paléoméandres bénéficiaient d’un bon drainage.
Mais les techniques rudimentaires (chadouf ?, nasba ?)
naguère utilisées ne devaient permettre d’irriguer que sur
une largeur de quelques centaines de mètres au grand
maximum. Des puits devaient exister dans quelques secteurs
bien drainés de la basse vallée ou dans les oueds affluents
bien pourvus en eaux d’inféroflux, mais là aussi les surfaces
concernées par l’irrigation ne pouvaient être que restreintes.
11
Dès lors que l’on souhaitait mettre en valeur l’ensemble des
terres de la vallée dotées d’un bon potentiel de fertilité, des
aménagements lourds , à prise directe dans le fleuve ,
s’avéraient indispensables. Nous ne traiterons ici que de ces
derniers, les canaux relatifs à la petite irrigation n’ayant
évidemment pas laissé de traces repérables par la prospection.
Éléments techniques
Les prises d’eau
Dans tous les cas où l’emplacement de la prise d’eau
nous est connu, celle-ci est située dans la concavité d’un
méandre bien dessiné. Cette similitude avec les canaux
d’amenée d’eau est compréhensible, le problème de la
dérivation des eaux du fleuve se posant de la même manière
dans les deux cas de figure. Il est vrai qu’une localisation
dans la convexité d ’un méandre était de toute façon
11 - L’irrigation par puits est attestée dès le Bronze moyen (DURAND 1990 a, p. 128-129).
182
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
impossible : la prise aurait été sans cesse colmatée par les
sédiments charriés par le fleuve et déposés dans ces zones
de calme relatif. D’autres inconvénients existaient cependant
en rive concave. En effet, le sapement latéral de la terrasse
engendré par la force centrifuge du courant y menace tout
aménagement. On comprend dès lors le choix, fréquemment
attesté, d’un méandre dont le développement était bloqué
par un môle-butoir. Pour autant, tout danger n’était pas écarté.
C’est ce qui explique peut-être les très nombreux blocs de
dalle calcaire retrouvés au sein de la formation Q0b d’El Jurdi
Sharqi (cf. carte h .- t . III, sous le site no 9 0), laquelle s’est
mise en place durant le Bronze récent (cf. ci-dessus, p . $$
$$),
alors que le canal d’El Jurdi Sharqi était fonctionnel : on
peut penser qu’ils ont été jetés là en nombre pour faire masse
et protéger ainsi la prise de ce canal, située juste en aval.
Les tracés
Le détournement de l ’ eau d ’ un fleuve implique
nécessairement un canal dont la section amont, au moins,
est excavée dans la terrasse . Cela dit , deux types
d’aménagements peuvent être envisagés :
— le canal a pour fonction de conduire l’eau vers les terres à
irriguer, mais il reste en creux sur tout son tracé. Dans ce
cas, l’irrigation ne peut se faire que par l’intermédiaire de
machines élévatoires. Cela pourrait avoir été le cas du Nahr
Sa‘¬d (cf. ci-dessous, p . $$
$$), canal de rive droite dans
l’alvéole de M¨hasan, du moins à l’époque islamique ;
— le canal a pour fonction d’irriguer par gravité. Dans ce
cas, il devra d’abord rattraper le niveau des terres à arroser
avant de circuler, au moins partiellement, en remblai, à
leur surface. La dénivelée entre le fleuve et la terrasse est
évidemment variable, en fonction du débit de celui-ci, mais
aussi de sa dynamique — phase de creusement ou
d ’ alluvionnement — : on peut proposer une valeur
moyenne, de 3 m environ 2, sachant qu’elle était naguère,
avant l’érection des grands barrages modernes, de près de
4 m dont 1 m correspondant à des limons de débordement
« récents ». La pente moyenne de la terrasse étant de l’ordre
de 0,35 ‰, ce n’est qu’au bout d’environ 8,5 km que le
niveau de l’eau peut atteindre le niveau des terres à irriguer.
Les terroirs situés le long de ce segment amont, en creux,
pouvaient éventuellement bénéficier des eaux du canal par
l’intermédiaire de machines élévatoires. Le segment aval
permettait d’arroser les champs par simple gravité.
1
12 - Il est très difficile de proposer une valeur précise pour cette dénivelée.
Nous pensons cependant que la présence, en plusieurs points du lit mineur
actuel, de galets de gros calibre en très grand nombre (il s ’agit très
certainement de galets de la formation sous-jacente QII) implique que le
fleuve n’a pu recreuser son lit durant l’Holocène.
13 - Pour les aménagements à l’âge du Bronze, on pourra se référer à
Les débouchés
Bien qu’aucune trace des sections terminales des canaux
d’irrigation n’ait été préservée, il est logique de supposer
qu’ils débouchaient dans le fleuve ou dans d ’anciens
méandres, de manière à assurer facilement l’évacuation de
l’eau non utilisée. Dans plusieurs cas, la présence, dans le
prolongement des canaux, de chenaux de décrue rejoignant
l’Euphrate ou des paléoméandres (cf. ci-dessus le cas flagrant
du canal d’amenée d’eau à Mari) donne à penser que ces
chenaux matérialisent à présent ces anciens tracés.
L’alimentation
Hormis le Nahr Dawr¬n, alimenté par le Khb‚r (cf. cidessous), les canaux de la vallée de l’Euphrate étaient
alimentés directement par le fleuve. Les diverses hypothèses
qui ont été formulées à propos d’une alimentation par des
oueds affluents ne nous semblent plus recevables pour
diverses raisons qui seront exposées cas par cas.
Il s’ensuit que le débit dans les canaux était dépendant
d’une part des aménagements de prise dont nous savons peu
de chose 3, d’autre part du débit du fleuve. Or, nous avons
$$) que les basses eaux durent de la fin
vu (cf. chap. I, p . $$
juin à la fin février et les hautes eaux de mars à juin. Cette
bipartition posait sans doute de nombreux problèmes. Les
arrosages de début de printemps, indispensables pour les
cultures céréalières d’hiver, devaient être facilement assurés,
le débit étant soutenu par les précipitations tombées sur le
haut bassin-versant. De plus, de simples seuils édifiés dans
le cours du fleuve pouvaient permettre d’en relever le niveau
(cf. ci-dessous le cas de la prise du Nahr Sémiramis). Les
hautes eaux, en revanche, se produisaient au moment où
l’irrigation battait son plein. Mars et surtout avril connaissent
des crues souvent brutales qui devaient gêner sérieusement
le bon fonctionnement des canaux 4. En ce qui concerne la
région de Deir ez Z¨r, le débit de l’Euphrate atteint son
maximum en mai, au moment où commencent les moissons,
ce qui représente évidemment un danger majeur pour leur
bon déroulement. Dès juillet, l’étiage se creuse, les très basses
eaux étant atteintes dès août. C’est sans doute à peu près à
cette période de l’année que les canaux, du moins à l’âge du
Bronze, cessaient de fonctionner. Ils n’étaient remis en état
que pour la nouvelle saison agricole 5, peut-être dès la fin
de l’automne. À l’époque islamique en revanche, l’attestation
de cultures d’été 6 implique que les canaux demeuraient en
1
1
1
1
DURAND 1998, p. 578 sq., pour l’époque islamique à BERTHIER et al. 2001.
14 - De tels accidents sont relatés dans les archives de Mari (D URAND 1998,
p. 614 sq.).
15 - Ibid., p. 578.
16 - BERTHIER et D’HONT 1994, BERTHIER et al. 2001.
Avant-Propos
183
Les aménagements hydrauliques
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N
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eau durant une période plus longue,
ce qui n’exclut pas leur mise hors
fonction momentanée pour des
travaux d’entretien.
183
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’
Les canaux d irrigation de rive
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0
1 km
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droite
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Nous les décrirons en partant de
l’amont vers l’aval, chaque alvéole
ayant possédé, à un moment donné,
un ou plusieurs aménagements de
ce type.
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❚
Q00
Safire Foqani
Le canal de Deir ez Z¨r
❚
Bien que situé en grande partie
en amont de notre secteur de
prospection, nous avons intégré cet
aménagement (fig . 6) dans notre
étude, car sa trace, en aval de Deir
ez Z¨r ( f i g . 7) , était encore
impressionnante au début des
années 1980 — elle a aujourd’hui
quasiment disparu, ensevelie sous
un quartier d’activités artisanales —
et il nous a semblé nécessaire de le
mentionner pour mémoire . Il
nécessiterait cependant une étude de
terrain plus détaillée.
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Q0a
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Ma‘ishiye
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tracé de canal
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tracé probable
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site archéologique
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Hatla
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lit de l’Euphrate en 1959
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talus de la terrasse Q0a
talus du plateau ou
des terrasses pléistocènes
cônes de déjection
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principales agglomérations
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❚
Le tracé
Le canal peut être suivi, par tronçons, sur une distance
de 12 km. Sa section amont longe le pied de la falaise pendant
un peu plus de 2 km avant de disparaître, détruite par le jeu
d’un méandre. Il est encore décelable par endroits dans le
relief très perturbé de la ville, notamment dans la dépression
qui traverse un jardin public, anciennement le « cimetière
français ». On le retrouve, implanté sur la terrasse Q0a, à la
17 - HÉRAUD 1922 b, p. 109 ; voir ci-dessous, témoignages.
❚
❚
1
❚
❚
La prise d’eau
L ’ emplacement exact de la
prise ne nous est pas connu. D’après
la carte au 1/25 000, et si l’on se
réfère au témoignage de
Ch . Héraud 7, elle se localisait
probablement à un peu plus de 6 km
en amont de Deir ez Z¨r, en face du
village de Saf¬re F¨qni, là où se
déploie un vaste méandre bloqué
par le plateau de Shamiyeh.
Deir ez Zor
(89)
méandres anciens
❚
Fig
❚
❚
. 6 - Le canal de Deir ez Z¨r.
sortie de Deir ez Z¨r où se distinguent encore ses deux digues
et son chenal. Interrompu par le développement d’un autre
méandre, il disparaît avant d’aborder le grand cône du Wdi
el Jafra.
Le débouché
Le secteur du Wdi el Jafra étant particulièrement
difficile à prospecter (aéroport, fermes d’État, etc.), il ne
184
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Fig. 7 - Le canal de Deir ez Z¨r en aval de l’agglomération. Cliché Armée du Levant, du 28 juillet 1938 (photothèque IFAPO).
Avant-Propos
185
Les aménagements hydrauliques
nous est pas possible de savoir si le canal contournait ou
non ce cône. Il nous semble donc préférable de ne pas
formuler d ’ hypothèse quant à l ’ emplacement de son
débouché.
Témoignages
— HERZFELD 1911, p. 171 : « Die noch 8 m hohen parallelen
Dämme eines langen und 20-25 m breiten Kanales sieht man noch
heute im Süden der Stadt. »
— HÉRAUD 1922 b, p. 109 : « le canal le plus nettement marqué
bifurque de l’Euphrate à 6 kilomètres au nord-ouest de Deir ezZor […], il est nivelé durant la traversée de la ville, puis reparaît à
la sortie est où ses rebords, hauts de 12 à 15 m environ s’allongent
en dunes parallèles sur près de deux kilomètres. »
— CUMONT 1926, p. XIII, n. 1 : « le canal de Saïd est peutêtre celui dont on peut suivre à la sortie de Deir ez-Zor, sur près de
2 kilomètres, les deux berges parallèles surélevées de plus de 12
mètres. »
— LAUFFRAY 1983, p. 54, citant des notes de P. Hamelin 18 :
« Un premier canal avait son point de départ à 5 km au moins en
amont de la ville. Un second canal s’amorçait derrière l’hôpital
national. On retrouve au bord du fleuve de gros blocs de basalte
qui appartenaient à un barrage en épis. Il suivait entre la grand-rue
et le fleuve le tracé d’une rue intermédiaire, qui jusqu’à une date
récente s’appelait encore le Nahr, c’est-à-dire la rivière ou le canal.
La trace de ce Nahr se voit encore nettement à droite et à gauche
du cinéma d’été. On le retrouve en aval à la sortie de la ville. Long
de 4 kilomètres, il atteignait le village de Djafra. Des traces d’un
troisième canal sont bien visibles un peu en aval du bain militaire
à 4 mètres de hauteur au-dessus du fleuve (ce qui suppose une
noria élévatrice pour l’alimenter). Divers autres tronçons sont
repérables, l’un coupait le cimetière militaire, un autre se retrouve
dans l’angle ouest de la mission des Capucins. »
Fonction du canal et datation
La fonction la plus probable reste , malgré les
nombreuses incertitudes relatées ci-dessus, l’irrigation,
notamment du secteur de la vallée situé en aval de Jafra.
Nous n ’ avons par ailleurs aucun élément nous
permettant de dater ce canal.
Le Nahr Sa‘¬d : grand canal de l’alvéole de M¨hasan
Le Nahr Sa‘¬d est sans conteste, avec le Nahr Dawr¬n,
l’aménagement qui aura fait couler le plus… d’encre !
Mentionné par les textes d’époque médiévale 9, décrit par
les voyageurs (cf. ci-dessous), il a fait l’objet de quelques
controverses relatives à son ancienneté et à son mode de
1
18 - Ingénieur travaillant pour l’office des Céréales panifiables, P. Hamelin
séjourna plusieurs années à Deir ez Z¨r et parcourut la région ; il collabora
aux travaux de J. Lauffray à Halab¬ya.
19 - On se référera à ce sujet à EI 2, Nahr Sa‘¬d, ainsi qu’à l’ouvrage de
185
fonctionnement. Nous y reviendrons. Repéré sur près de
35 km de longueur, ponctué de nombreux sites, il est le mieux
préservé des canaux de la vallée. Nous n’en ferons qu’une
description sommaire dans la mesure où il est amplement
étudié dans l’ouvrage de S. Berthier 20.
La prise d’eau
Elle se situe à Tell Guftn (2 3 ; cf. fig . 5), dans le même
méandre que la prise du canal de M¨hasan, dont elle utilise
ou réutilise sans doute l’emplacement 2 . Hélas, le méandre
en se déplaçant a fait disparaître toute trace des installations
construites à la diffluence. Après avoir traversé le tell, le
canal se dirige vers le sud pour rejoindre peu à peu l’axe
médian de la terrasse Q0a.
1
Le tracé
Plus ou moins bien conservé selon les endroits, le canal
se présente de nos jours sous forme de levées de terre
massives, allongées, en faible relief sur la terrasse. Sauf rares
exceptions, comme la traversée de Tell Guftn (2 3) ou celle
de Tell Qaryat Medd (3 6), digues et chenal ne sont plus
différenciables , le tout formant un volume d ’ une
cinquantaine de mètres de large. Souvent, toute trace a
disparu, effacée par des siècles d’inondations ; seuls quelques
tronçons, pour la plupart préservés par la masse des sites
qui les jouxtent, permettent de restituer son tracé, en pointillé.
La section amont, du fait de la dénivelée entre le fleuve
et les terres à irriguer, devait être creusée dans la terrasse
sur une distance d ’ au moins 8 , 5 km (cf . ci - dessus) .
Particulièrement fragile, elle était protégée des crues d’une
part par la masse de Tell Guftn, d’autre part par deux digues,
levées de terre reliées au tell et qui formaient un angle de
90° environ dans lequel se trouvait le canal. C’est sans doute
ce dispositif qui a permis la conservation de la trace en creux
d’une probable dérivation du Nahr Sa‘¬d allant alimenter un
second ouvrage, le canal de M¨hasan, qui, de fondation plus
ancienne, aurait ainsi été remis en fonction (cf. ci-dessus,
p . 5$
5$).
Tout le long du canal se sont implantées des installations
humaines. À plusieurs reprises, nous avons pu repérer des
levées de terre qui en partent, esquissant un système en arêtes
de poisson. Il s’agit sans doute de canaux secondaires, plus
nombreux sur la gauche de l’aménagement que sur sa droite,
qui permettaient d’irriguer les terres de part et d’autre du
chenal artificiel. Plus en aval, entre Buqras et Et Ta‘as el
Jiz, des méandres du fleuve, en se développant, sont venus
en trois endroits détruire le canal. Toutefois, les textes
médiévaux et les récits des voyageurs sont explicites : le
BERTHIER et al. 2001.
20 - BERTHIER et al. 2001.
21 - L’hypothèse avancée par T. Bianquis (1986 b, p. 126) qui situe cette
prise à Deir ez Z¨r ne nous semble guère envisageable.
186
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Nahr Sa‘¬d se poursuivait jusqu’à Al-Dliya, site certes non
localisé avec certitude, mais qui pourrait correspondre au
village d’El Graiye 1 (4 4).
Le débouché
Seuls les textes permettent de le situer, a priori près
d’Al-Dliya, plus probablement dans la région contrôlée par
cette ville, sans doute dans la partie aval de l’alvéole d’El
‘Ashra.
Les canaux secondaires
Ils ne semblent pas avoir suscité des sites d’habitat, peutêtre parce qu’ils n’étaient pas en eau continûment. Leur tracé
était dicté par deux impératifs : d’une part, la nécessité de
répartir l’eau sur l’ensemble des terres à irriguer, d’où une
certaine régularité dans la succession des diffluences, et
d’autre part, la prise en compte du relief préexistant, car la
terrasse présente une légère contrepente qui impose au tracé
un angle aigu avec le canal principal. De ce fait, ils étaient
exposés de plein fouet aux crues, ce qui explique la massivité
de leur construction. Ainsi, le canal secondaire d’Abu Leil
(4 0), un des mieux préservés, se présente sous la forme d’une
levée de terre large d’environ 75 m, mais peu élevée,
continue et régulière. Le matériau constitutif, limoneux en
surface, est argilo-limoneux dans la masse, ce qui est
également le cas pour les canaux secondaires d’Es Salu
(fig . 8).
Témoignages 22
— A INSWORTH 1 888 , p . 37 1- 372 : « The level and well
cultivated plain on which it [Mayerthin (= Meyd¬n)] was situated
was formerly separated from the cliffs in the background by a canal,
or, from the physical aspect of things, this may have been the ancient
bed of the river, and afterwards a canal. Idrisi notices such a canal
as being derived from the Euphrates at Rahabah, and which divided
itself into various branches in the interior. Some have even supposed
this canal extended hence to the Pallacopas in Babylonia. […]
The cliffs above Rahabah which extend thence of the banks of the
river at Salahiyah constitute a physical impossibility to a southerly
prolongation of this canal. »
— LE STRANGE 1905, p. 105 : « Near [RaÌbah] stood the small
town of Ad-Dâliyah (the Waterwhell) and both places lay near the
bank of a great loop canal, called the Nahr Sa‘îd, which branched
4
19
5
19
Es Salu 2
(38)
198,8
195
195
195
19
5
Q0a
hr
Na
c
Sa
id
Es Salu 3
(39)
0
N
200 m
5
19
Fig. 8 - Le Nahr Sa‘¬d et ses canaux secondaires à Es Salu 2 et 3 (carte I, carré E7, nos 38 et 39).
22 - Pour les sources arabes concernant ce canal, voir BERTHIER et al. 2001.
Avant-Propos
187
Les aménagements hydrauliques
from the right bank of the Euphrates some distance above ƒark˚îsiyâ
and flowed back to it again above Dâliyah […]. The canal had
been dug by Prince Sa‘îd, son of the Omayyad Caliph ‘Abd-alMalik […]. »
— CUMONT 1926, p. XII-XIII : « Un canal y conduisait jusqu’au
pied de la montagne les eaux de l’Euphrate ».
Ibid., p. XIII, N. 1 : « au XIVe s., Aboulféda dit que “ses
habitants (du château de RaÌaba) reçoivent leur eau par un aqueduc
dérivé du canal de Saïd , qui sort lui -même de l ’Euphrate”
(Géographie d’Aboulféda, trad. Reinaud, t. II, p. 56). Le canal de
Saïd est peut-être celui dont on peut suivre à la sortie de Deir ezZor, sur près de 2 kilomètres, les deux berges parallèles surélevées
de plus de 12 mètres. Cependant un fragment d’Ibn-Serabioun (cité
par Hoffmann, Auszüge aus Syr. Akten Persischer Märtyrer, 1880,
p. 165) dit qu’il partait de l’Euphrate au sud de Circésium (Besirâ)
et qu’après avoir passé à Rahaba, il retournait au fleuve à DâlijatMalik-ben-Tauq. »
— MUSIL 1927, p. 198 : « about thirteen kilometers northwest
187
par gravité était possible, est-il bien raisonnable de penser
que l’on entretenait à grands frais les très nombreuses
machines nécessaires à l’arrosage des champs quand l’eau
pouvait couler tout naturellement vers eux ? En tout cas, la
gravité jouait effectivement lors de la dernière période de
fonctionnement du canal, lorsque les chenaux secondaires
s’étiraient dans la campagne.
Il ne fait en tout cas aucun doute que l’ouvrage était
destiné à l’irrigation des alvéoles de M¨hasan et d’El ‘Ashra
et que celle-ci était pratiquée toute l’année ou presque ; seule
la présence d’eau pérenne peut expliquer l’existence des
nombreux sites (13 repérés) qui lui sont directement associés.
Les fouilles réalisées par S. Berthier ont d’ailleurs permis
de certifier la pratique de cultures de céréales vivrières
d’été 24.
Fonction du canal et datation
Une des controverses évoquées ci-dessus est relative au
mode de fonctionnement du Nahr Sa‘¬d. S. Berthier et
O. D’Hont considèrent que le canal, au moins dans son
premier état islamique repéré (qui pourrait dater du Xe-XIe s.)
devait être creusé dans la terrasse au moins jusqu’à Meyd¬n
(55 1) 23. Les arguments qu’ils avancent pour affirmer que le
chenal n’affleurait pas encore à Tell Qaryat Medd (33 66) sont
recevables. Mais la raison n’en est certainement pas que la
topographie imposait cette solution. Nous avons vu que
moins de 10 km suffisent, théoriquement, pour amener les
eaux de l’Euphrate au niveau des terres à irriguer ; or, plus
de 13 km séparent Tell Qaryat Medd de la prise d’eau,
Meyd¬n en étant, quant à elle, éloignée de quelque 31 km.
Si l’irrigation était organisée au moyen de machines
élévatoires tirant l’eau d’un canal creusé dans la terrasse, il
s’agissait alors d’un choix technique et non d’une nécessité
liée à une contrainte naturelle. À la rigueur, si l’on admet
que le chenal était creusé jusqu’à Tell Qaryat Medd afin de
rattraper une différence de niveau un peu plus importante
que celle que nous avons calculée, ce n’était plus nécessaire
en aval. Les fragments de godets de machines élévatoires
retrouvés sur les sites contigus au canal, et interprétés comme
servant à l’irrigation des cultures de plein champ , ne
proviendraient - ils pas plutôt d ’ engins utilisés pour
approvisionner en eau les villageois eux - mêmes et
éventuellement leurs jardins. En effet, dès lors que l’irrigation
Jalonné de sites datant de l’époque islamique sur tout
son parcours dans l’alvéole de M¨hasan, passant entre les
villes médiévales de RaÌba (Meyd¬n, 5 1) et RaÌba alad¬da (Er Rheiba, 5 2), ce grand canal était de façon
manifeste en usage à cette période. L’abondance des sites
d’époque ayyoubide 25 que nous avions repérés le long de
cet ouvrage nous avait amenés à le dater de cette époque, à
la suite d’une vraisemblable remise en état d’un système
plus ancien 26. Nous pouvons désormais préciser son
utilisation à l’époque islamique. Celle-ci a été évoquée par
plusieurs auteurs médiévaux, qui dénommèrent ce canal le
Nahr Sa‘¬d. Au XIVe s., l’un d’entre eux, le géographe
Aboulféda attribua son aménagement aux Umayyades, sous
le califat de Marwan vers le milieu du VIIIe s. D’après les
sondages qu’ils ont effectués dans le canal à Tell Guftn
(2 3) et Tell Qariyat Medd (3 6), S. Berthier et O. D’Hont
datent un premier état des Xe-XIe s. 27, mais ils signalent que
« en dessous, d’autres couches de curage confirment que
l’usage du canal est antérieur ». L’occupation de ces deux
sites remonte, quant à elle, au début de la période abbasside,
soit au IXe s. Elle s’est prolongée jusqu’aux XIIIe-XIVe s. On
peut donc conclure à une utilisation vraisemblablement
continue du IXe au XIVe s., peut-être même dès le VIIIe s. si l’on
se réfère à la tradition.
Cet aménagement (du VIIIe ou du IXe s.) a-t-il repris un
ouvrage préexistant ? Le problème est difficile à résoudre.
Il semble certain qu’à l’avènement de l’islam, aucun canal
ne fonctionnait dans l’alvéole de M¨hasan. Aux Ve et VIe s.
en effet, ce secteur de la vallée était manifestement peu
occupé, sinon laissé à l’abandon, formant une sorte de no
man’s land. La frontière entre les empires romain et perse
passait quelque part dans l’alvéole, en sorte que ce canal,
d’après la trace qui en a été repérée, se serait trouvé à cheval
sur les deux territoires. Une telle situation est à exclure.
23 - BERTHIER et D’HONT 1994.
24 - BERTHIER et D’HONT 1994.
25 - Les sites d’époque ayyoubide sont facilement repérables en raison de
la présence d’un matériel très caractéristique (céramique de Raqqa).
26 - GEYER et MONCHAMBERT 1987 b, p. 328.
27 - BERTHIER et D’HONT 1994.
of the modern settlement of al-Bsejra (the ancient Circesium), the
Sa‘îd branched off from the right bank of the Euphrates. » Le canal
est représenté, sur la carte, entre Sa‘luwa et al-MeÌkân.
188
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Peut-on considérer que l’aménagement du Nahr Sa‘¬d
n’est pas une création ex nihilo et qu’il s’est fait sur une
trame antérieure, abandonnée depuis plusieurs siècles, et
partiellement estompée ?
Le seul ouvrage ancien dont l’existence soit attestée dans
le secteur est le canal I·îm-Yahdun.Lîm, mentionné dans
les archives de Mari du début du IIe millénaire av. J.-C.
Plusieurs lettres adressées au roi de Mari 28 indiquent que ce
canal était en étroite relation avec les deux villes de
Dûr-Yahdun-Lîm et de Terqa. La première étant située dans
l’alvéole de M¨hasan 29, la seconde dans celle d’El ‘Ashra,
le canal devait donc courir sur les deux alvéoles, comme le
fait celui dont nous avons suivi les traces. Dès lors, il n’est
pas impossible que le canal de l ’alvéole de M¨hasan
corresponde au canal I·îm-Yahdun.Lîm, au moins sur une
partie de son tracé. Il aurait été remis en état au début de
l’époque islamique. L’absence de sites du Bronze moyen
sur ses berges n’est pas contradictoire, puisque, comme nous
l ’ avons vu 30, il apparaît qu ’ à cette époque le mode
d’implantation de l’habitat était différent : les sites ne
pouvaient s’installer le long d’un canal qui, ne fonctionnant
pas toute l’année, ne pouvait assurer l’approvisionnement
en eau continu indispensable à leur existence.
Les canaux de l’alvéole d’El ‘Ashra
Nous ne savons que peu de chose des canaux d’irrigation
dans l’alvéole d’El ‘Ashra, à l’exception notable du Nahr
Sa‘¬d, dont n’y subsiste d’ailleurs qu’un court tronçon d’un
peu plus de 2 km, en tête duquel se trouve le site d’Et Ta‘as
el Jiz. Les autres vestiges sont difficilement interprétables
tant ils ont été laminés par les crues. Nous avons jugé bon
de les reporter sur les cartes afin que soit conservée une trace
de leur présence ; ils risquent en effet de disparaître à jamais,
effacés par les pratiques culturales « modernes ».
Le grand canal de l’alvéole de Tell Hariri
L’alvéole de Tell Hariri est une des plus vastes de la
région ; sa surface, plane et régulière, n’est que rarement
ponctuée de pointements de la formation QII. Elle se prêtait
donc bien à la mise en œuvre d’une irrigation à grande
échelle.
Des témoignages d’une telle mise en valeur ont pu être
mis en évidence sur la terrasse alluviale Q0a, où subsistent
les vestiges d’un canal d’irrigation, conservé sous forme de
segments discontinus répartis sur près de 1 7 km
(cf. cartes h .- t . IV et V ). Conçu pour irriguer par gravité,
28 - Par exemple, ARM III 5, III 79 et A.454. Voir aussi l’étude de SAFREN
1984.
29 - Sur cette localisation, voir chap. IV, p . 34$ s q.
30 - Cf. chap. IV, p . 6$.
31 - Le nom ancien (râkibum, « le chevaucheur ») est tout à fait évocateur ;
cf. DURAND 1990 a, p. 126-127.
32 - DURAND 1990 a, p. 125 ; 1998, p. 578.
il était probablement creusé dans la terrasse sur les premiers
kilomètres, avant de se poursuivre, en remblai, sur la surface
de celle-ci 3 . Sa prise et son débouché ne nous sont pas
connus avec certitude.
1
La prise d’eau
Le problème de la localisation de la prise d’eau de ce
canal n’est pas résolu. Elle se situait très probablement dans
le secteur de Slih¬ye-El Kita‘a (cf. carte h .- t . IV), mais les
actions érosives combinées des crues du Wdi Dheina et de
l’Euphrate en ont effacé toute trace éventuelle.
Il est cependant très peu probable que cet aménagement
puisse avoir été le prolongement d’un canal provenant de
l’alvéole d’El ‘Ashra 32. En effet, celui-ci aurait dû passer
au pied de la falaise du plateau de Shamiyeh, entre les
localités actuelles d’Abu Hammm et d’Ed Dweir (cf. cartes
h .- t . IV et chap. IV, fig . 26), en un lieu où le fleuve, depuis
qu’il a entaillé la terrasse Q0a, est contraint d’emprunter un
étranglement qui, aujourd’hui encore, ne dépasse pas 1,5 km
de largeur. La chose est manifestement impossible 33 : il n’y
a donc pas lieu de retenir l’hypothèse.
Si l’on admet donc le fait que la prise d’eau se situait
dans l’alvéole de Tell Hariri, trois éventualités s’offrent à
nous. Elle pouvait être localisée sur un oued affluent, le Wdi
Dheina, ou sur le fleuve, soit en amont de Slih¬ye soit à El
Kita‘a.
Le Wdi Dheina
Sur l’amont de l’alvéole débouche un oued important :
le Wdi Dheina (appelé aussi W. es Soub). Son bassin
versant, très vaste, engendre des crues remarquables (cf.
$$) malgré un cours passablement désorganisé
chap. I, p . $$
par des phénomènes karstiques. Nous y avons découvert les
vestiges d’un barrage et d’un canal, sans pouvoir établir de
lien évident entre eux.
Le barrage, implanté à une vingtaine de kilomètres en
amont de l’embouchure, est probablement plus récent (cf.
$$) que le canal d’irrigation de l’alvéole. Il
ci-dessous, p . $$
n’en reste pas moins que le fait même de sa construction
plaide en faveur de ressources en eau conséquentes qui
auraient pu être exploitées pour l’irrigation de la vallée de
l’Euphrate. Il y eût fallu un ouvrage, implanté au même
endroit ou plus en aval 34, qui aurait permis le stockage de
l’eau, puis son acheminement, par l’intermédiaire du canal
du W. Dheina (carte h .- t . IV, carré L16, et fig . 9), jusque
33 - Cette impossibilité avait déjà été notée au siècle dernier par
W. F. Ainsworth (1888, p. 372, cf. ci-dessus, p . 1 1 $, Témoignages).
34 - À l’emplacement même où aurait pu se trouver un tel ouvrage, c’està-dire à l’amont du canal du W. Dheina, des gravières ont totalement
perturbé le plancher de l ’oued , rendant à jamais impossible toute
observation.
Avant-Propos
189
Les aménagements hydrauliques
sur les terres situées en aval. Le problème est que, dans ces
régions arides, les précipitations sont aléatoires, qu’années
sèches et humides se succèdent sans périodicité et qu’il
semble fort improbable que les récoltes aient pu être
subordonnées à une telle variabilité climatique. De plus, les
terres situées dans le nord-ouest de l’alvéole de Tell Hariri,
proches du village de Slih¬ye, auraient alors pu être, au
moins en partie, irriguées. Or, elles étaient réputées être, à
l’époque paléobabylonienne, des terres daluwâtum, c’est-àdire des « prairies autour de puits » 35, ce qui correspond
effectivement aux spécificités de ce secteur très particulier
de la vallée où le drainage est efficace et la nappe phréatique
très peu salée.
Il nous faut donc admettre que la prise d’eau du grand
canal était directement branchée sur l’Euphrate, ce qui
implique deux possibilités.
189
L’Euphrate en amont de Slih¬ye
La diffluence aurait pu se trouver au pied des falaises
de Slih¬ye, non loin de l’emplacement où se dressent
actuellement les ruines de Doura - Europos (cf . c a r t e
h .- t . IV). L’emplacement eût été relativement propice, la
falaise bloquant partiellement les déplacements des
méandres : il n’était pas pour autant idéal, car une telle
localisation imposait au canal de traverser la zone du
débouché du Wdi Dheina dont les crues sont réputées
violentes et sont susceptibles de se produire à plusieurs
reprises dans l’année. De plus, le canal, dans ce qui aurait
été alors sa section amont, se devait d’être creusé dans la
terrasse afin de compenser progressivement la différence de
niveau existant entre le fleuve et les terres à irriguer, ce qui
l’aurait rendu encore plus vulnérable. On peut cependant
supposer, à titre d’hypothèse de travail, que les flots de l’oued
auraient pu être détournés de cette zone sensible par un
Section en aval du gué de l’ancienne piste
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
N
190
S
+1
0
189
–1
188
–2
187
10
0
20
30
40
50
60
70
80
Section en amont du gué de l’ancienne piste
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
NNE
SSO
192
+1
191
0
190
–1
189
–2
0
10
20
30
40
50
60
Fig. 9 - Coupes en travers du canal du Wdi Dheina.
35 - DURAND 1990 a, p. 128-129.
70 m
90 m
190
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
endiguement et dirigés vers le canal de capture
(cf. ci-dessous, p . $ $$), en périphérie de l’alvéole, par
l’intermédiaire du canal du W. Dheina. Mais c’eût été
prendre le risque d’inonder, au moins partiellement, les terres
emblavables situées au pied du plateau, à proximité du canal
de capture. Le scénario est donc peu probable.
’
‘
L Euphrate à El Kita a
L’hypothèse qui nous semble la plus probable est celle
qui situerait la prise d’eau dans un vaste paléoméandre
développé aux dépens de la terrasse Q0a et du cône du Wdi
Dheina, au nord-est d’El Kita‘a. La configuration du terrain
y est semblable à celles des prises du canal d’amenée d’eau à
Mari ou encore du canal de M¨hasan : une zone de concavité
d ’ un méandre bien enfoncé dans la terrasse et donc
relativement stable. Cette solution semble la plus raisonnable,
dans la mesure où se trouve ainsi résolu le problème des
dangers que représente le débouché du W. Dheina. Un élément
vient à l’appui de cette hypothèse : un chenal de crue creuse
la berge du méandre, exactement dans l’axe du canal. Il n’est
pas impossible qu’il marque l’emplacement de la prise. Dans
ce cas de figure, le canal, nécessairement creusé dans la
terrasse sur sa section amont, aurait atteint la surface de celleci après environ 8,5 km (cf. les calculs moyens proposés cidessus, p . $ $$), soit à la hauteur du village actuel d’El
Musallakha, là où l’alvéole, en s’élargissant brusquement,
présente une importante surface cultivable ; cette dernière
observation conforte notre hypothèse.
moyen d’élever suffisamment l’eau serait l’installation d’un
, mais cette éventualité nous semble devoir être
rejetée ici : le débit en serait insuffisant.
De plus, le schéma de B. Lafont propose une dérivation
peu avant le site de Mari en branchant sur ce bras un autre
canal, dont nous savons qu’il s’agissait d’un canal d’amenée
d’eau à Mari (cf. ci-dessus, p . $$), creusé dans la terrasse. À
cet endroit, le second bras aurait donc dû être lui aussi creusé
dans la terrasse, ce qui ne lui laissait guère qu’un kilomètre
pour rattraper le niveau du canal principal : la chose est
impossible, la topographie excluant une telle configuration.
chadouf
Le tracé
L’aménagement, érodé et laminé au fil du temps par les
crues du fleuve, n’est plus perceptible qu’en cinq endroits
(cf. cartes h .- t . IV et V ), où il se présente sous la forme de
segments longs de 100 m (El Kita‘a, El Mujwda el Keb¬re)
à 900 m (El Hasrt), comportant une dépression axiale
limitée par deux digues (fig . 1 0). Si l’on suit l’hypothèse,
formulée ci-dessus, selon laquelle la prise d’eau était située
dans un paléoméandre au nord-est d’El Kita‘a, le canal devait
être creusé dans la terrasse sur une distance de 8 à 9 km, soit
jusqu’à la hauteur d’El Musallakha. Il était en tout cas
construit en remblai peu en aval, ce qu’atteste la coupe
réalisée dans le segment d’El Hasrt (fig . 1 0 c et 1 1).
Construit de manière massive, il était susceptible de résister
aux crues du fleuve , mais aussi à un débit important
empruntant son chenal (cf. ci-dessous, p . $$
$$), ce qui ne
semble pas avoir empêché de nombreux incidents relatés
par les tablettes d’époque paléobabylonienne 37. Le segment
d’El Hasrt, le mieux conservé (fig . 1 2), a une largeur de
108 m. Les digues peuvent atteindre près de 50 m de large
et 2,5 m de haut. La dépression axiale, qui constituait le
chenal d’écoulement, possède jusqu’à 15 m de large à sa
base. La pente moyenne est de 0,33 ‰ (calcul effectué à
partir de la surface actuelle de la dépression axiale).
Une deuxième prise ?
Ce canal pouvait-il tirer avantage d’une deuxième prise ?
L’hypothèse est avancée par B. Lafont dans son commentaire
d’une tablette paléobabylonienne relatant un incident grave
sur un aménagement 36 que nous pouvons très
vraisemblablement identifier avec ce canal de rive droite.
Située au maximum à six kilomètres de sa
confluence supposée avec le canal principal,
cette deuxième prise d’eau aurait été aménagée
Sections
Dénivelée
Distance
Pente du
Pente de la
entre les
en m
en m
canal
terrasse
dans la rive de l’Euphrate, à proximité du village
coupes
en ‰
en ‰
actuel d’Es Saiyl. Même surélevé par un seuil
sur le fleuve , le niveau de départ était
a et b
2,4
7 600
0 , 32
0 , 35
nécessairement inférieur de plusieurs mètres au
b et c
1, 2
3 600
0 , 33
0 , 32
niveau du canal principal, lequel est, à cet
endroit, construit en remblai sur la terrasse. Les
c et d
1, 3
3 800
0 , 34
0 , 35
estimations nous permettent d’envisager une
Total
4,9
1 5 000
0 , 33
0 , 34
différence de niveau d’au moins 3 m. Les six
kilomètres entre les deux points, effectués non Les valeurs de pente du canal, calculées d’après le niveau actuel de la dépression axiale
dans l’axe de la terrasse mais en diagonale, ne du chenal, sont données à titre indicatif.
permettraient pas au canal secondaire de
’
’
. .
.
rattraper le niveau du canal principal. Le seul
Tableau 1
Pente par sections le long du canal d irrigation de l alvéole de
Tell Hariri (cf
36 - LAFONT 1992, notamment p. 105.
37 - DURAND 1990 a, p. 132
sq
fig
10)
. ; 1998, p. 614 sq. ; LAFONT 1992.
Avant-Propos
191
Les aménagements hydrauliques
altitude
relative
en mètres
altitude
absolue
en mètres
coupe a
NE
180
191
SO
1
179
0
178
177
0
50
coupe b
NE
178
100
150 m
SO
2
177
1
176
0
175
0
50
coupe c
ENE
177
100
150 m
OSO
2
176
1
175
0
174
0
50
coupe d
ENE
175
100
150 m
OSO
2
174
1
173
0
172
0
Amont
50
100
a : profil NE-SO de la section d’El Mujawda el Kebire. Latitude : 3,087, longitude : 6,126
b : profil NE-SO de la section d’El Musallakha. Latitude : 3,032, longitude : 6,179
c : profil ENE-OSO de la section d’El Hasrat. Latitude : 3,007, longitude : 6,204
Aval
d : profil NE-SO de la section d’Es Saiyal. Latitude : 2,975, longitude : 6,225
niveau moyen de la terrasse alluviale actuelle
Fig
. 10 - Coupes en travers du canal d’irrigation de l’alvéole de Tell Hariri.
150 m
192
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
SW
. .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... ... ... ... ... ... .................. . . . . . . . . . .
. .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. ...... ... ... ... .............................. .. . .. . .. . .. . .. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ... .. ... .. ... ...................... . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... .............. . . . . . . . . . .
. .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... ................. . .. . .. . .. . .. . ..
. . . . . . . . . . ....................
....................
....................
....................
. ......... ... . . . . . . . . . . . . . . . . .
. ......... . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . ... ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . .
2
1
. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . .. . .. . .. . .. .
................ . . . . . .
. . . . ........................................... . . . . . .
. . . . ................................... . . . . . .
. . . . . ... ........................ . .. . . . . . .
. . . . .. .. .. ....................... . . . . . . . . . . . .
. . . . .. .. .. .. .. . . . . . . .
.....
..............
. ..............
sol vierge
m
3
0
–1
–2
10
0
. .. . .. . .. . .. . .. .
...........
20
30
argile
graviers
limon
galets
sable
céramique
40
50
60
fond de chenal d’écoulement
Fig. 11 - Coupe en travers du canal d’irrigation de l’alvéole de Tell Hariri près d’El Hasrt.
Fig. 12 - Le canal d’irrigation de l’alvéole de Tell Hariri près d’El Hasrt, vu vers
l’amont (le groupe de personnes évolue dans la dépression qui marque le chenal, le
personnage isolé est sur le bas de la digue orientale).
canal
NE
70 m
Avant-Propos
193
Les aménagements hydrauliques
La trace du canal se perd peu en amont de Tell Hariri.
Nous n’avons rien retrouvé en aval, ce qui ne signifie
toutefois pas qu’il n’existait pas. En effet, le rétrécissement
de la terrasse Q0a comme du plancher holocène de la vallée,
ainsi que la proximité du fleuve, implique des crues plus
violentes dont on conçoit qu’elles aient pu faire disparaître
totalement l’aménagement. Le tracé proposé par B. Lafont 38,
qui voit le canal se poursuivre en direction d’Abu Keml,
nous semble tout à fait cohérent.
Le chenal d’écoulement et les digues
Une tranchée (fig . 11) a pu être ouverte au bulldozer 39
dans la section d’El Hasrt. Elle nous a permis de constater
que l’ouvrage a été édifié par amoncellement de matériaux
divers, tous plus grossiers que le matériau constitutif de la
terrasse sous-jacente. Celle-ci offrait à l’origine une surface
en pente légère du nord -est vers le sud-ouest, ce qui
correspond à la contrepente naturelle de la terrasse , et
accusant de légers reliefs, entre 50 cm et un peu plus d’1 m.
Les digues ont, de toute évidence, souffert de l’érosion : elles
étaient, à l’origine, plus hautes et plus massives. Le chenal
d’écoulement a connu des réaménagements successifs : les
traces repérées , sous forme de lentilles concaves , ne
dépassent pas 6 à 7 m de large, ce qui peut indiquer des
chenaux d ’ une dizaine de mètres au maximum des
écoulements, sans doute moins en fonctionnement normal.
Il est probable que la lame d’eau ne devait pas excéder 0,5 à
0,6 m d’épaisseur, sauf en cas de surcharge (cf. ci-dessous),
volontaire ou involontaire. Les dimensions imposantes du
canal sont donc sans commune mesure avec les volumes
d’eau qui pouvaient y transiter en temps normal. Le caractère
massif de l’aménagement n’est pas lié à son mode de
fonctionnement, mais à la nécessité de le préserver autant
que possible des actions érosives des crues de l’Euphrate
par sapement latéral, ainsi que des écoulements intempestifs
que celles-ci pouvaient provoquer dans le chenal. Le remblai
a probablement été conçu et réalisé dans ce but, le chenal
d’écoulement étant recreusé dans la masse, au gabarit voulu.
Les canaux secondaires
Le mauvais état de conservation de cet aménagement
rend difficile la perception d’éventuels canaux secondaires.
Une trace, partant de la section de Hasrt et se dirigeant vers
le sud-sud-est, nous semble pouvoir être interprétée comme
telle. Sa localisation, dans un segment assurément construit
en remblai, rend l’hypothèse plausible. Il en va de même
38 - LAFONT 1992, p. 105.
39 - Nous remercions vivement M. Nabih Chawa, directeur du GOLD, qui
a mis à notre disposition un engin de terrassement pour effectuer cette coupe.
40 - LAFONT 1992, p. 100. Toutefois, le texte ne le dit pas explicitement,
puisqu’il y est écrit : « on avait retenu l’eau en direction de Dîr ».
41 - Notre prospection n’a pas permis de retrouver de trace d’un site à Abu
193
pour un tronçon orienté nord-ouest - sud-est, situé près de
Tell Mankut (3 ).
Le débouché
Quelle était l’extrémité de ce canal dont nous perdons
la trace, sur le terrain, peu en amont de Tell Hariri ? Se
terminait-il en aval par un simple réseau de ramifications
qui recevaient la juste quantité d’eau nécessaire à l’irrigation
des terres adjacentes ou finissait-il par un exutoire, par lequel
pouvait s’écouler l’eau excédentaire ?
La première hypothèse suppose une régulation parfaite
des débits sur la totalité du parcours et un contrôle sans faille
de la répartition de l’eau afin que les parcelles les plus
éloignées puissent recevoir le volume d’eau adéquat, ce qui
est peu vraisemblable. Dans la seconde hypothèse, le point
d’aboutissement pourrait être l’Euphrate lui-même, un ancien
méandre ou un oued.
Pour B. Lafont, qui fonde ses raisonnements sur le texte
d’époque paléobabylonienne déjà évoqué ci-dessus, le canal
« retrouvait l’Euphrate au niveau de Dîr » 40, c’est-à-dire près
de l’actuelle ville d’Abu Keml 4 , ce qui nous semble tout à
fait plausible. Cependant, d’après ce même auteur , il
« recevait en outre l’eau en provenance du Balih, nom sans
doute donné dans l’Antiquité au wdi de Dîr (identifié au
wdi d’Abu Keml) » 42, l’actuel W. er Radqa. Ce dernier
point pose problème. Le débouché d’un oued est une zone
difficile à aménager, en raison des crues dévastatrices qui
s’y produisent, tout particulièrement lorsqu’il a l’importance
du W . er Radqa . Les travaux à entreprendre sont
considérables et ne peuvent se justifier que s’ils sont, en
quelque sorte, « rentables ». Le prolongement du canal, audelà de l’actuelle ville d’Abu Keml, ne pouvait dès lors
s’envisager qu’à la condition que les superficies de terre à
irriguer en aval aient été importantes, ce qui ne semble pas
avoir été le cas 43. Pour autant, cette hypothèse ne peut être
rejetée. Il nous semble cependant que l’hypothèse d’un
débouché du canal d’irrigation peu en amont d’Abu Keml,
dans un chenal de décrue naguère encore fonctionnel
(cf. carte h .- t . V), est plus plausible. Dans ce cas, l’incident
relaté dans Nuit dramatique à Mari aurait pu se produire au
débouché du Wdi Bir el Ahmar, aux crues moins violentes
que celles du Wdi er Radqa.
1
Témoignages
— OPPENHEIM 1900, sur la carte dessinée par R. Kiepert, 1893 :
entre Gafl‘a [= El Kita‘a] et Tell el Madk‚k [= Tell Medk‚k],
Keml ou à proximité. Il reste possible qu’il ait été détruit par le fleuve ou
recouvert par la ville actuelle, comme cela s’est passé à Deir ez Z¨r.
42 - LAFONT 1992, p. 99.
43 - Nous resterons prudents sur ce dernier point, dans la mesure où nous
n’avons pas eu l’occasion de parcourir ce secteur, trop proche de la frontière
avec l’Iraq.
194
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Plusieurs éléments permettent de proposer une datation
pour cet aménagement.
Le plus tangible est fourni par la céramique . Le
ramassage systématique effectué sur la section de Hasrt
nous a permis de récolter 14 tessons : le seul que l’on puisse
dater remonte au Bronze moyen 47. Sur un probable canal
secondaire qui se trouve près de Tell Mankut, cinq tessons
typiques ont été ramassés ; les deux que l’on peut dater
indiquent eux aussi le Bronze moyen 48. Dans les deux cas,
on peut supposer qu’ils correspondent à la dernière période
de fonctionnement du canal, celle des derniers curages.
Un seul indice nous permettrait d ’ envisager son
fonctionnement à une autre époque : il s’agit de la présence,
juste en amont de l’alvéole, de Doura-Europos. Pour son
approvisionnement, cette ville avait besoin d’un terroir qui
ne pouvait produire qu’à la condition d’être irrigué. La
documentation retrouvée sur le site n’est pas très explicite
et ne permet pas de connaître les modalités de cette irrigation.
Petite irrigation ? Ou système centralisé sous l’autorité du
gouverneur ou d’un responsable spécialisé ? Les inscriptions
et les papyri ne mentionnent pas une telle charge. Par ailleurs,
les vestiges de ce canal, retrouvés en bien plus mauvais état
que ceux du Nahr Sa‘¬d de l’alvéole de M¨hasan, plaident
en faveur d’une dernière période d’utilisation beaucoup plus
ancienne, antérieure à l’époque romano-parthe.
Le dépeuplement apparent à l’époque néo-assyrienne
et, auparavant, au Bronze récent, de ce secteur aval de rive
droite ne permet guère d’en envisager une mise en valeur à
grande échelle. Il est donc vraisemblable que ce canal ne
fonctionnait déjà plus.
Son utilisation au Bronze moyen, en revanche, ne fait
guère de doute. Outre les tessons mentionnés ci-dessus, la
documentation épigraphique paléobabylonienne fait état d’un
canal (de canaux ?) dans l’alvéole de Mari, en particulier,
semble-t-il, celui dont parle Sûmû-Hadû 49 et sur lequel
survint l’incident évoqué ci-dessus. Certes, il nous est
difficile de l’identifier avec certitude à la trace retrouvée,
mais on peut penser que cette dernière, la seule repérable
sur le terrain, pourrait lui correspondre.
À quel moment ce canal a -t-il été construit ? En
l’absence de preuve archéologique irréfutable, nous sommes
obligés de recourir à une argumentation d’ordre historique.
Comme le souligne J.-M. Durand 50, l’analyse des
archives de Mari montre que le début du IIe millénaire n’est
pas une époque de création d’un réseau de canaux. Sous
Yahdun-Lîm, on restaure des canaux existants après une
période d’abandon et, sous Zimrî-Lîm, on veille à entretenir
ce réseau. Les incidents relatés par les gouverneurs et les
travaux incessants qu’ils sont obligés d’entreprendre en
divers points du réseau semblent témoigner de leur mauvais
état général. L’aspect colossal de ces canaux, tel que les
vestiges retrouvés permettent de le reconstituer, laisse penser
que ces faiblesses sont dues plus à leur vétusté et à un
entretien insuffisant qu’à l’éventuelle médiocrité de leur
construction. On peut donc envisager que ce canal ait été
construit au IIIe millénaire. Deux hypothèses ont été émises,
l’une faisant remonter sa création au moment de la fondation
de la ville au début du IIIe millénaire 5 , l’autre la situant dans
le dernier quart de ce millénaire , à l ’ époque des
¢akkanakku 52. Cette seconde hypothèse semble avoir été
abandonnée par son auteur qui envisage deux solutions
contradictoires ; il réfute d’une part l’idée d’un grand réseau
d ’ irrigation , ne voyant qu ’ une « série de structures
discontinues, fragmentaires, fonctionnant de bric et de
broc 53 », tout au plus l’amorce d’un système qui aurait été
exploité à des périodes postérieures, néo-assyrienne ou
islamique 54. Il envisage d’autre part, bien que « rien ne nous
44 - La seule mention d’une culture d’été pourrait concerner le sésame,
mais elle est loin d’être assurée (cf. chap. IV, p . 6$ et notes 13 et 14).
45 - DURAND 1990 a, p. 136-137 ; LAFONT 1992 (cf. annexe 3, texte 11).
46 - LAFONT 1992, p. 97 et p. 100, n. 27.
47 - Cf. annexe 2 et pl. 119 (1 7 1 66).
48 - Cf. annexe 2 et pl. 119 (1 7 1 9-11 720
720).
49 - C’est ainsi qu’il a été identifié (DURAND 1990 a, p. 136 ; 1998, no 813 ;
LAFONT 1992).
50 - DURAND 1990 a, p. 130-131 ; 1998, p. 576-577.
51 - MARGUERON 1988 a, 1990 b et 1991 b.
52 - DURAND 1990 a, p. 132.
53 - DURAND 1998, p. 625, n. j, ou p. 575 : « ces travaux devaient être d’une
ampleur limitée et il ne faut pas les surestimer ».
54 - Ibid., p. 575.
mention d’un « Ant. Damm » [digue antique] à l’emplacement d’un
des tronçons du canal.
Fonction du canal et datation
Il ne fait guère de doute que cet ouvrage était dévolu à
l’irrigation. Les conclusions des prospections sur le terrain
et les interprétations des textes anciens vont bien dans ce
sens. Il nous semble aussi que cette irrigation ne devait
concerner que des cultures d’hiver et de printemps. En effet,
les recherches archéobotaniques n’ont fourni aucun indice
de culture d’été pour les époques du Bronze ancien et du
Bronze moyen dans la région, et les textes cunéiformes n’en
mentionnent pas 44. De plus, l’absence de sites le long du
canal plaide pour un fonctionnement non pérenne . Le
témoignage des tablettes permet d’affirmer qu’il pouvait
également être utilisé pour transporter le grain 45. Il nous
semble pourtant peu probable qu’il ait pu supporter une
navigation commerciale. Les dangers que représentait un
gonflement des eaux dans le canal, parfaitement illustrés
par le texte commenté dans Nuit dramatique à Mari, plaident
pour une utilisation très temporaire de l’ouvrage à cet effet.
Le plus probable est que cette fonction de transport ait été
limitée, et ce de façon exceptionnelle, à l’évacuation des
récoltes céréalières, hypothèse qui semble convenir aussi
bien à l’épigraphiste qu’au géographe 46.
1
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
195
195
l ’ affirme » , que les canaux de
l ’ époque de Zimrî - Lîm peuvent
« assurément avoir été la survivance
(ou la reprise partielle) d’un système
plus complexe mis en place au début
du III e millénaire , à une époque
antérieure de toute façon à l’époque
des ¢akkanakku » 55.
C’est effectivement au moment de
la fondation de Mari qu’il nous semble
le plus plausible de faire remonter le
creusement de ce canal d’irrigation. Il
serait assez invraisemblable que les
concepteurs de cette ville n’aient pas
pris le soin d’aménager son terroir
agricole . Dans leur volonté de
s ’ affranchir des contraintes
d’implantation d’un site, ils furent
capables de réaliser des travaux Fig. 13 - Traversée du site de Jebel Mashtala (carte III, carré J12, no 68) par le canal du
même nom, vue vers l’amont.
colossaux, comme le creusement d’un
canal d ’ amenée d ’ eau et la
construction d’une digue-enceinte longue de plus de 5,5 km. précisément à la fin de l’époque kassite. L’hypothèse que
La construction de canaux d’irrigation était tout aussi l’on peut dès lors formuler est celle d’une remise en fonction
indispensable, sinon vitale, pour cette cité : ils permettaient du Nahr Dawr¬n, au moins jusqu’à l’amont de l’alvéole —
de subvenir, au moins partiellement, aux besoins en céréales et vraisemblablement pas au-delà —, après une probable
période d’abandon au début du Bronze récent.
d’une population sans doute déjà nombreuse.
Le peu de renseignements dont nous disposons rend
délicate
la formulation d’hypothèses concernant la fonction
Les canaux de rive gauche
de ce canal. Certes, il approvisionnait le site en eau, ce qui
Bien que les terres situées en rive gauche du fleuve soient peut laisser supposer que celui-ci, bien que situé en bordure
moins propices à la grande irrigation que celles de rive droite d ’ un paléoméandre , n ’ était pas localisé à proximité
(cf. ci-dessus, p . 1 $$), des aménagements très probablement immédiate du fleuve. Mais cette seule fonction ne semble
liés à une mise en valeur agricole ont pu y être repérés. Ils pas pouvoir justifier un tel aménagement, surtout s’il était
sont situés, et ce n’est pas un hasard, dans la plus grande et connecté au Nahr Dawr¬n, déjà long de près de 40 km à son
la plus homogène des alvéoles de rive gauche, celle d’Abu débouché sur l’alvéole. Une utilisation pour l’irrigation ne
Hammm (cf. carte h .- t . III).
peut être exclue, d’autant qu’à la même période et dans la
même alvéole, d’autres sites et un second canal attestent une
grande
activité agricole.
Le canal de Jebel Mashtala
Cet aménagement pose un problème particulier ,
puisqu’il ne nous est guère connu que dans sa traversée du Le canal d’El Jurdi Sharqi
site de Jebel Mashtala (6 8 ; fig . 1 3 et chap. IV, fig . 1 4), en
Situé à quelques kilomètres en aval du précédent, cet
aval immédiat duquel il se jetait dans un paléoméandre du ouvrage est mieux conservé. Il n’est pour autant repérable
fleuve. Si l’on admet qu’il s’agit bien là de la trace d’un de manière certaine que dans sa partie amont, là où il est
canal, ce qui est fort probable mais qui ne pourra être certifié creusé dans la terrasse Q0a afin de rattraper la différence de
que par une fouille 56, la configuration des lieux, la cohérence niveau avec le fleuve.
de l’aménagement, le contexte topographique local nous
amènent à y voir un ouvrage relié en amont au Nahr Dawr¬n, La prise d’eau
long canal prenant sa source dans le Khb‚r et sur lequel
Sa localisation ne pose pas de problème, la section amont
nous reviendrons plus longuement ci-dessous.
La céramique récoltée sur le site , aussi bien en du canal étant bien conservée malgré un fonctionnement,
prospection qu’en fouille, remonte au Bronze récent, plus postérieur, en chenal de crue. La prise s’effectuait dans un
55 - DURAND 1998, p. 576.
56 - La fouille réalisée en 1996 sur ce site n’a pas concerné le « canal »
(ROUAULT 1998 b).
196
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
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185
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El Jurdi Sharqi 4
(90)
. 14 - La prise d’eau du canal d’El Jurdi Sharqi et le site d’El Jurdi Sharqi 4 (carte III, carré J13, n
paléoméandre du fleuve (fig . 1 4), un peu au nord du village
actuel d’Abu Hard‚b.
L ’ aménagement a sans doute connu quelques
vicissitudes . En effet , des blocs de dalle calcaire
conglomératique, jetés volontairement 57 peu en amont de la
prise et fossilisés dans la formation Q0b, laquelle est datable
du Bronze récent, ne peuvent guère être interprétés que
comme les témoins d’une très ancienne tentative de s’opposer
au développement du méandre.
Le tracé
Comme pour les autres cas répertoriés dans la vallée, le
canal s’éloigne à angle droit du méandre avant de prendre
une orientation proche de l’axe de la terrasse. Le chenal,
certainement élargi du fait des crues qui l’ont emprunté, est
large d’une quinzaine de mètres et est encaissé de moins
d’1 m. À un peu plus d’1 km de sa prise, il se divise en deux
branches (cf. chap. IV, fig . 1 6) : celle de droite, plus nette et
se subdivisant elle-même en deux autres branches, a peutêtre eu une existence plus longue. Plus à l’aval, seuls
l’alignement des sites, le fait que leur approvisionnement
en eau ne pouvait être assuré que par un canal et la présence
de quelques buttes , probables vestiges de ce canal ,
notamment entre les sites d’Abu Hard‚b 1 (1 2 6) et de
Has¬yet el Blli (7 1), nous permettent de restituer son tracé.
$$), les blocs
57 - Cette dalle n’existe pas en rive gauche (cf. chap. I, p . $$
ont donc été transportés depuis le plateau en rive droite du fleuve.
o
90)
.
Le débouché
Il ne nous est pas connu avec certitude, mais pourrait
correspondre à un chenal de décrue bien marqué qui rejoint
un paléoméandre du fleuve non loin des sites de Kharij 2
(1 38) et de Tell es Sufa (1 40).
Fonction du canal et datation
Sa localisation au cœur d’une des principales alvéoles
de rive gauche ne laisse guère de doute sur sa fonction qui
était très probablement l’irrigation.
Plusieurs sites jalonnent ce canal : Tell Marwniye (7 3),
El Jurdi Sharqi 3 (7 4), Abu Hard‚b 2 (1 27), Abu Hard‚b 1
(1 26), Has¬yet El Blli (7 1) et probablement J¬sh¬ye (1 28)
et Has¬yet ‘Ab¬d (1 39). Leur éloignement de l’Euphrate fait
du canal un élément indispensable à leur existence. On peut
donc déduire de leurs datations respectives que ce canal
fonctionnait au Bronze récent, à l’époque néo-assyrienne et
sans doute à l’époque classique. Le site d’El Jurdi Sharqi 4
(9 0), à la prise d’eau, confirme cette dernière hypothèse. Le
terroir qu’irrigue ce canal est très proche de Doura-Europos ;
cette proximité renforce encore la probabilité de son
fonctionnement à l’époque classique.
Un fonctionnement dès le Bronze moyen n’est pas
impossible : un site, Has¬yet ‘Ab¬d (1 39), semble attester,
d’après la céramique 58, une occupation remontant au début
58 - Cf. annexe 2 et pl. 106-107.
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
197
197
du II e millénaire . On rappellera
cependant que l’implantation de sites
le long d’un canal ne semble pas le
mode en usage à cette époque. Par
ailleurs, le Bronze récent, durant
lequel le fonctionnement du canal est
assuré, ne semble pas être une époque
où l’on ait eu les moyens politiques
de construire des canaux ; tout au plus
dut-on maintenir en état certains de
ceux qui existaient. Dès lors, compte
tenu de l’important aménagement de
la vallée à l’époque de Mari attesté
par les textes , on ne peut rejeter
l’hypothèse que ce canal fût déjà en
usage au début du IIe millénaire, peutêtre même dans le courant du IIIe, et
qu’il ait été réutilisé ensuite.
LES
CANAUX D ’ ÉVACUATION DES
EAUX
Fig. 15 - Trace du canal d’évacuation des eaux de l’alvéole de Tell Hariri, après une pluie.
Les systèmes modernes d’irrigation mis en place dans
la vallée de l’Euphrate depuis le début des années 1980
comportent un réseau de drainage doublant le réseau
d’adduction. Cet aménagement complexe s ’est révélé
indispensable pour deux raisons principales : d’une part les
quantités d’eau très importantes que nécessitent les pratiques
culturales de type industriel (plusieurs récoltes annuelles),
d’autre part la faible transmissivité de la nappe phréatique
et les risques de remontées d’eau salée par capillarité.
L’existence d’un réseau de ce type n’a pu être mise en
évidence pour les époques anciennes, ce qui semble indiquer
qu’il n’y eut pas alors suralimentation de la nappe. En
revanche, dans les alvéoles d’El ‘Ashra et de Tell Hariri,
au contact de la plaine holocène et du plateau, nous avons
pu repérer les traces de chenaux larges de 8 à 10 m qui
longeaient le pied des falaises, sans doute tout le long des
alvéoles.
Ces traces, très nettes après les pluies (fig . 1 5), sont
souvent peu visibles , localement effacées ou encore
colmatées par de petits cônes de pied de versant. Elles
empruntent la dépression périphérique longiligne, créée par
la contrepente naturelle de la terrasse Q0a à son point de
jonction avec le bas de pente du plateau (cf. chap. II, fig . 11),
là où se rassemblent les eaux de ruissellement engendrées
par les précipitations ou par les crues.
Le canal de l’alvéole d’El ‘Ashra
Nous ne l’avons repéré qu’à proximité du Wdi el Kh¨r.
En fait, sa trace, large d’une dizaine de mètres, est déjà visible
59 - Rappelons que ces dernières, bien que rares, peuvent être violentes.
peu en amont, à proximité du méandre d’Et Ta‘as el Jiz
(cf. carte h .- t . II). Le canal est légèrement creusé dans la
terrasse ; il contourne un des promontoires du Kh¨r Fagr
Kh¨rn avant de recouper la zone du débouché du Wdi el
Kh¨r qu’il traverse en ligne droite, marquant ainsi clairement
son caractère artificiel. Sa trace se perd rapidement vers
l’aval. Peut-être passait-il à proximité de Dabln (204) où
nous avons repéré une trace en creux, très peu marquée, mais
longue de près de 3 km (cf. carte h .- t . III).
Le canal de l’alvéole de Tell Hariri
Situé lui aussi à la périphérie de la plaine holocène, il
suit le pied des falaises (fig . 1 6), encore bien visible entre
Maqbarat el Mujwda el Keb¬re et le cône du Wdi Bir el
Ahmar (cf. carte h .- t . IV et fig . 1 7 et 1 8), où il s’inscrit,
en un léger creux large de 8 à 10 m, à la surface de la
terrasse Q0a.
Fonction et datation de ces canaux
Une tranchée réalisée dans le canal bordier de l’alvéole
de Tell Hariri a révélé une trace peu profonde (environ
0,5 m), ce qui exclut toute possibilité de drainage de la nappe
phréatique. On peut donc penser qu’il s’agissait d’ouvrages
servant à évacuer les eaux résiduelles après les
précipitations 59 ou après les crues, que celles-ci proviennent
de l’Euphrate ou d’oueds affluents. Ces eaux avaient
tendance à stagner dans ces secteurs bas de la vallée, ce qui
empêchait la mise en culture et participait au relèvement
des nappes. Les cartes hors-texte (par ex. carte h .- t . IV,
198
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Fig. 16 - Le canal d’évacuation des eaux de l’alvéole de Tell Hariri, longé par la piste, au
pied des falaises du plateau de Shamiyeh.
E
O
2
terrasse Q0a
178
glacis
1
177
0
176
–1
175
0
50
100
150 m
niveau moyen de la terrasse alluviale
Fig. 17 - Coupe en travers du canal d’évacuation des eaux de l’alvéole de Tell Hariri.
Fig. 18 - Le canal d’évacuation des eaux de l’alvéole de Tell Hariri, au sud de Maqbarat el Mujwda el Keb¬re, vu vers l’amont.
Avant-Propos
199
Les aménagements hydrauliques
❚
carré N18) permettent de visualiser les chapelets
de petites dépressions fermées qui s’égrènent le
long des plateaux et entravent l’écoulement des
eaux. Leur drainage par un canal, simple creux
large de quelques mètres et peu profond ,
permettait la mise en valeur de ces secteurs trop
longtemps inondés et insalubres , tout en
autorisant simultanément l ’ évacuation
d’éventuelles eaux d’irrigation excédentaires en
fin de réseau.
Conçus dans le cadre d’un aménagement
global de chacune des alvéoles, avec une fonction
complémentaire de celle des canaux d’irrigation,
ils ont vraisemblablement été creusés et utilisés
en même temps que ces derniers.
199
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198,5
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Le plus étonnant des aménagements de la
vallée, le plus inattendu aussi, est le Nahr Dawr¬n,
un long canal courant en rive gauche, alimenté
par le Khb‚r et aboutissant à l’Euphrate sous
les falaises d’Ersi, en face d’Abu Keml.
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Le Nahr Dawr¬n
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198,8
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Deux ouvrages, situés en rive gauche, se
distinguent par leur longueur inhabituelle et par
leur tracé très particulier. Issus l’un du Khb‚r,
le Nahr Dawr¬n, l’autre de l’Euphrate, le Nahr
Sémiramis, ils circulent le plus souvent sur les
glacis et les terrasses pléistocènes qui bordent la
vallée holocène, restant ainsi hors de portée des
inondations qui y déferlent fréquemment. Le
premier aurait eu près de 120 km de long, le
second plus de 80 km . Tous deux sont des
ouvrages hors normes pour la région.
❚
❚
❚
200,9
200,4
LES CANAUX DE NAVIGATION
❚
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❚
Fig. 19 - Le Nahr Dawr¬n près du hameau d’Es Sijr (vallée du Khb‚r).
La prise
Celle-ci a sans doute pu se situer en différents endroits
au cours de la longue histoire de ce canal (cf. ci-dessous,
$$), mais elle a toujours été située sur le Khb‚r, profitant
p . $$
ainsi des eaux d’une rivière à alimentation karstique. Notre
prospection nous a amenés près du hameau d’Es Sijr, où
l’on situe traditionnellement la prise d’eau 60. À cet endroit,
le canal se trouve sur la terrasse holocène, à proximité
immédiate du cours d’eau (fig . 1 9), alors qu’en aval, il s’en
tient toujours à distance. Certes, l’endroit exact de la prise
ne nous est pas connu, mais la configuration du terrain se
60 - Cf. ci-dessous, Témoignages ; les deux hameaux de El Kheje/El ºöne/
Höjneh/Tell ºidjnah/Tall Hena et de Es Sijr/as-Sicer/Secher/As-Sir sont
situés de part et d’autre du Khb‚r, à environ 18 km à vol d’oiseau de la
prête, là, particulièrement bien à un tel aménagement, alors
qu’en amont d’Es Sijr, aucune trace de canal n’est visible
sur la terrasse holocène.
L ’ hypothèse formulée par P . J . Ergenzinger et
H. Kühne 6 selon laquelle ce canal aurait eu, du moins à
l’époque néo-assyrienne, sa prise nettement plus en amont
sur le Khb‚r est envisageable, puisque ces chercheurs ont
mis en évidence , pour cette période , un réseau
d’aménagements hydro-agricoles important et complexe des
deux côtés de la rivière. Selon eux, le canal de rive gauche,
donc à l’est, qui serait venu se raccorder en aval au Nahr
Dawr¬n, aurait tiré son eau du Jaghjagh, un affluent de rive
gauche du Khb‚r.
1
confluence avec l’Euphrate.
61 - ERGENZINGER et KÜHNE 1991.
200
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
L’alimentation
terrasse holocène et, dans le cas particulier de ce canal, le
Nous avons vu que le Nahr Dawr¬n prenait son eau, du niveau des glacis développés sur les plus basses terrasses
moins pour l’essentiel, du Khb‚r. Il profitait ainsi des pléistocènes. Sur ces dernières, la pente de l’ouvrage s’établit
apports d’un cours d’eau au débit (fig . 20 a) régulé par ses à 0,30-0,31 ‰ sur plus de 60 km, avant de retrouver des
sources karstiques. On conçoit aisément les avantages d’une valeurs plus faibles, de l’ordre de 0,22 à 0,24 ‰ en moyenne
telle alimentation. Certes, les débits mensuels les plus élevés dès lors que le canal a retrouvé la surface de la terrasse
(janvier et février) peuvent être relativement importants, holocène. Dans ce dernier cas, le résultat de nos estimations
mais , consécutifs à des averses , ils se produisent peut être assez largement faussé par le fait qu’un éventuel
généralement sur des périodes courtes . Les variations creusement du canal dans la terrasse peut nous échapper,
saisonnières sont relativement limitées : à Es Suwar, c’est- suite à son comblement, ce qui réduit d’autant la pente.
à-dire non loin en amont de la
probable prise d’eau, elles ne
Points
Altitude
Dénivelée
Distance
Distance
Pente canal
dépassent guère, en moyenne, le
du point
en m par
en km depuis
en m par
en ‰
quintuple des débits des mois
en m
rapport au
l’origine
rapport au
point précédent
point précédent
d’étiage (juillet et août) . Ces
derniers, toujours soutenus et
1
200
0,08
80
constamment supérieurs à
2
199
1
8,7
8 620
0,12
20 m3/s (débit moyen mensuel),
peuvent être considérés comme
3
196
3
18,2
9 500
0,31
ayant été suffisants à assurer la
4
192,5
3,5
29,2
11 000
0,31
pérennité de fonctionnement de
5
188
4,5
44,1
14 900
0,30
l ’ ouvrage . Plus remarquable
encore est la faible variabilité
6
180
8
70,7
26 600
0,30
interannuelle des débits moyens
7
175,2
4,8
89,5
18 800
0,26
de la rivière (fig . 20 b) qui ne fait
apparaître que des variations du
8
172
3,2
107,2
17 700
0,18
simple au double, ou guère plus,
Total
28
107,2
107 200
0,26
ce qui est notablement peu pour
un cours d’eau de région aride ; Les calculs des valeurs de pente ont été effectués d’après l’altitude actuelle du fond du chenal, donc sans
rappelons à ce propos que, sur considération de comblements éventuels.
Tableau 2 - Pente par sections le long du Nahr Dawr¬n.
l’Euphrate, le rapport peut être de
1 à 6. Ce dernier fait permet de
supposer une utilisation de l’ouvrage sur le moyen, sinon
Le plus souvent, l’ouvrage était tracé sur les glacis aux
sur le long terme, beaucoup plus sûrement que si la prise pentes douces qui relient la basse plaine au plateau de Jézireh,
s’était trouvée sur l’Euphrate.
limitant ainsi les travaux de terrassement tout en le mettant
Des calculs effectués sur les canaux du Khb‚r 62, dont hors d’atteinte des crues du fleuve. Dans deux cas cependant,
l’envergure est comparable à celle du Nahr Dawr¬n, ont des méandres du fleuve, en venant lécher le plateau, ont
permis d’évaluer un débit d’environ 2 m3/s et une vitesse imposé le passage dans les formations pléistocènes du QII.
d’environ 0,3 m/s. Ces valeurs qui paraissent raisonnables, À Darnaj et à El Kishma, de véritables tranchées de plus de
compte tenu du débit minimum de 20 m3/s, même en période 10 m de profondeur ont dû être creusées sur plusieurs
d’étiage, sont probablement applicables au Nahr Dawr¬n.
centaines de mètres de long pour assurer la continuité de
l’aménagement.
Le tracé
Nous avons pu reconstituer son tracé sur près de 116 km.
La largeur du chenal, estimée d’après les vestiges visibles,
atteignait entre 8 et 11 m. Sa pente était de l’ordre de 0,26 ‰
(tableau 2). Sur les neuf premiers kilomètres, elle n’est que
de 0,12 ‰, alors que la pente générale de la vallée du Khb‚r
est plus forte que celle de la vallée de l’Euphrate. Ce fait
peut s’expliquer par la nécessité de rattraper le niveau de la
62 - ERGENZINGER 1987, p. 35.
63 - Voir ci-dessous, p . $$$. Cf. aussi BERTHIER et D’HONT 1994, BERTHIER
Le chenal d’écoulement et les digues
En plusieurs points où l’ouvrage est remarquablement
bien conservé, nous avons pu effectuer des mesures et faire
des observations particulières. Il faut cependant souligner
que le canal a été utilisé jusqu’à l’époque islamique 63, au
moins sur le tiers amont de son cours, le mieux conservé.
Les mesures que nous y avons effectuées se rapportent donc
et al. 2001.
Avant-Propos
201
Les aménagements hydrauliques
201
m3/s
220
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
O
N
D
J
F
M
A
M
J
J
A
S
débit maximum moyen mensuel
débit moyen mensuel
débit minimum moyen mensuel
a - Débits moyens mensuels du Khabur à Es Suwar
3
m /s
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
49/50
50/51
51/52
52/53 53/54
54/55 55/56 56/57
57/58 58/59 59/60 60/61
61/62 62/63 63/64
b - Variabilité interannuelle des débits moyens du Khabur à Es Suwar
Fig. 20 - Débits moyens mensuels et variabilité interannuelle du Khb‚r à Es Suwar pour
la période 1949 à 1964 (d’après KERBÉ 1979).
202
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
plus probablement à son état à cette époque, même si,
l’ouvrage étant incontestablement plus ancien, les grandes
lignes sont également valables pour les phases de
fonctionnement antérieures.
La section de Darnaj est (Euphrate) ou tracé B : cartes
h .- t . II et III et fig . 23
À hauteur du site de Darnaj (8 6), le canal présente deux
états sans doute chronologiquement distincts. Cet endroit
est marqué par un rétrécissement de la terrasse holocène,
étranglée entre l’Euphrate et un promontoire du plateau. Pour
pouvoir passer l’obstacle, l’ouvrage a dû être creusé dans
les alluvions grossières de la terrasse QII. La dépression axiale
y fait 5 à 6 m de large (fig . 24), mais elle est partiellement
comblée par des colluvions et pouvait donc être un peu plus
large. La tranchée qui l’accueille peut atteindre près de 10 m
de haut. Elle rejoint le fond de vallée holocène peu en aval
de Darnaj, une fois l’obstacle franchi.
Il s’agit là de la section la plus impressionnante de ce
grand canal de rive gauche. Il y est creusé dans la terrasse
pléistocène QII (fig . 25), très probablement pour éviter un
méandre qui avait détruit le premier tracé, évoqué ci-dessus.
A. Ozer, qui a découvert des fragments de céramique
islamique dans les alluvions qui comblent le canal du tracé A
ainsi que dans celles du tracé B, suppose « que l’abandon
du premier chenal et le creusement du second dateraient de
l’époque islamique » 64. Si un fonctionnement, à cette époque,
du tracé B est certain (cf. ci-dessous), il est plus étonnant
pour le tracé A. En effet, si l’on admet l’antériorité du tracé A
sur le tracé B — ce qui semble logique —, comment
expliquer la présence de céramique, certes en quantité
restreinte, des époques du Bronze moyen à néo-assyrienne 65
sur les digues du canal B ? Il n’est pas impossible que la
céramique retrouvée dans les alluvions du canal A provienne
du site de Darnaj (8 6) dont K. Simpson 66 nous dit qu’il a
fourni de la céramique d’époque médiévale.
La dépression axiale conserve, dans cette section, une
largeur de 10 à 12 m, la tranchée qui l’accueille pouvant
atteindre 15 m de haut (fig . 26). Le profil en long du plancher
n’est pas régulier, mais entrecoupé de contrepentes 67. Ce
fait est clairement imputable au débouché, dans l’ancien
chenal, d’oueds qui y ont déposé des sédiments.
Une coupe (fig . 27 et 2 8), ouverte par l’exploitation
d’une gravière, dans la digue est du canal, dans la partie
aval de cette section, permet de distinguer au moins deux
unités différentes (a et c) séparées par une ligne de galets
(b). La première (a), à la base de la digue, correspond à la
phase de creusement du canal : le noyau central, ici décalé
vers l’est, a probablement été constitué à partir des limons
qui couvraient les galets et les graviers de la formation QII,
lesquels sont venus couvrir partiellement le noyau . La
deuxième unité (c) correspond très certainement à une phase
de curage du chenal.
En amont de cette section, les traces laissées par les
différents états de l’aménagement sont nombreuses et
complexes (cf. carte h . - t . II, carré I10, et f i g . 2 3). Il
semblerait que l’on ait eu un premier tracé qui, abandonnant
le glacis, pénétrait sur la terrasse Q0a pour se diriger vers la
tranchée de la section de Darnaj. Suite au développement
du méandre qui est venu détruire ce premier tracé, un second
aurait été réalisé qui partait du premier à 4 km environ en
amont de la tranchée de Taiyni, laissant ainsi au canal la
possibilité de gagner un peu d’altitude pour éviter par l’amont
la zone du méandre assassin. Mais cette solution ne devait
64 - OZER 1997, p. 123.
65 - Cf. annexe 2, pl. 119 : 1 7 1 3 à 1 7 1 5.
66 - SIMPSON 1983, p. 124.
67 - OZER 1997, p. 123 et fig. 32.
La section de Damana (Khb‚r) : hors cartes
Cette section amont, située immédiatement en aval de
la prise d’eau supposée du canal, est encore conservée sur
plus d’1,5 km de long (fig . 1 9). Son envergure totale y est
d’un peu plus de 55 m, pour une largeur de dépression axiale
de 10 m environ (fig . 2 1 a). La hauteur inhabituelle des
digues — entre 3 et 4 m — donne à penser que le chenal
était ici creusé profondément, ce qui correspondrait bien à
une section proche de la prise d’eau.
La section d’El Mshekh (Khb‚r) : hors cartes
Le canal y est conservé sur près de 500 m de long, à la
faveur d’un passage en tranchée dans une terrasse pléistocène
(fig . 22). Son envergure totale y est d’environ 55 m, pour
une largeur de dépression axiale de 14 à 15 m (fig . 2 1 b).
Mais cette dernière a été élargie par les façons culturales,
son plancher étant cultivé en orge.
La section de Taiyni (Euphrate) : carte h .- t . II
Peu avant d’aborder le secteur complexe de Darnaj, le
canal, faiblement creusé dans les formations quaternaires,
sinue sur le glacis qui frange le plateau de Jézireh. Son
envergure y est d ’environ 60 m , pour une largeur de
dépression axiale d’une dizaine de mètres (fig . 2 1 c). Il
présente là un aspect que l’on peut considérer comme
caractéristique du Nahr Dawr¬n dans la vallée de l’Euphrate.
La section de Darnaj ouest (Euphrate) ou tracé A : cartes
h .- t . II et III et fig . 23
Avant-Propos
203
Les aménagements hydrauliques
203
a - Tronçon de Damana nord (prise d’eau ?)
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
ESE
ONO
202
4
200
2
198
0
QI
Q0a
10
0
20
30
40
50
60
70
80 m
b - Tronçon d’El Mashekh
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
SSE
NNO
201
2
199
0
197
–2
10
0
20
30
40
50
60
70
80 m
Fond de chenal élargi par les pratiques culturales
niveau moyen de la terrasse
c - Section de Taiyani
altitude
absolue
en mètres
altitude
relative
en mètres
ENE
OSO
195
2
194
0
193
–2
192
0
10
20
30
40
50
60
niveau moyen de la surface du glacis
Fig
. 21 - Coupes en travers du Nahr Dawr¬n.
70
80
90 m
204
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Fig. 22 - Le Nahr Dawr¬n à El Mshekh (Khb‚r), vu vers l’amont.
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limite du plateau
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tranchée
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site
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entaille d’érosion
régressive
canal
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talus
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188,2
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206,3
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cimetière
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186,4
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oued
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204,4
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point coté
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glacis
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paléoméandre
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187
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204,4
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200,3
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196,6
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Darnaj
(86)
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188,3
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185,7
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198,7
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te
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ra
Mazar Sheikh ‘Ali
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ph
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Eu
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198,2
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❚
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187,4
Fig. 23 - Le Nahr Dawr¬n dans le secteur de Darnaj.
Avant-Propos
205
Les aménagements hydrauliques
205
est
ouest
voir coupe ci-dessous
digue est sur QII
QII
0
5
chenal
digue ouest sur QII
QII
10 m
Digue est : coupe est-ouest
est
ouest
3
2
1
0
1
2
3
4
5m
1 : galets et graviers de la formation QII surmontée par 2
2 : limons partiellement indurés par du gypse
3 : digue constituée des déblais de creusement du chenal
L’ensemble a été en partie détruit par une gravière.
Fig. 24 - Coupe en travers du tracé A du Nahr Dawr¬n au pied du site de Darnaj (carte III, carré I11, no 86).
206
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Fig. 25 - Le Nahr Dawr¬n entaillé dans la terrasse pléistocène à Darnaj, vu vers l’amont.
L’affleurement de l’encroûtement sommital de la terrasse marque la limite entre la partie
excavée et les digues, constituées des déblais de creusement et de curage.
Fig. 26 - Section de Darnaj est (tracé B) du Nahr Daw¬n, vue vers l’amont.
Avant-Propos
207
Les aménagements hydrauliques
207
ouest
est
voir coupe ci-dessous
QII
digue ouest sur QII
0
chenal d’écoulement
5
digue est sur QII
QII
10 m
Digue est : coupe ouest-est
ouest
est
b
c
a
3
2
1
0
1
2
3
4
5m
1 : galets et graviers de la formation QII surmontée par
2 : limons indurés par du gypse dans la partie supérieure de l’horizon
3 : digue constituée des déblais de creusement (a) et de curage (c) du canal, séparés par une ligne de petits galets (b)
La surface est pavée de galets et graviers du fait de l’ablation des particules les plus fines.
Le noyau central de la digue, limoneux, provient du décapage des limons qui recouvrent
les galets de la formation QII.
Fig
. 27 - Coupe en travers du tracé B du Nahr Dawr¬n à Darnaj.
208
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
promontoire, puis dans le plateau luimême . Les travaux colossaux
impliqués par ces tracés
problématiques soulignent toute
l’importance qui était accordée à cette
voie d’eau, importance somme toute
peu compatible avec l’exiguïté des
surfaces emblavables à l’aval d’Abu
Hasan (cf. carte h .- t . V).
Les sections d’Esh Sha‘afa et d’Es
S‚sa : carte h . - t . V, carré Q19 et
carré Q20
Dans cette partie aval de l’alvéole
de Tell Hariri, le canal est très mal
conservé, ce qui témoigne en même
temps de son ancienneté et de son
exposition à une érosion aggravée par
l’exiguïté de la vallée. Il n’est plus ici
Fig. 28 - Coupe de la digue est du Nahr Dawr¬n à Darnaj (tracé B), vue vers l’amont.
établi sur les glacis , mais sur la
pas convenir, peut-être en raison d’un problème de pente, terrasse Q0a, sans doute parce qu’à l’approche de son
donc de débit ; aussi, dans un troisième temps, un nouveau embouchure dans le fleuve, il se devait de perdre peu à peu
tracé a été dessiné qui partait de plus loin en amont. Une de l’altitude. Nous ne l’avons retrouvé qu’à deux endroits, à
tranchée, ouverte par un bulldozer, dans le chenal du dernier la faveur de son passage dans des buttes résiduelles de la
état du canal (fig . 29), peu en amont de Taiyni, montre la formation QII où la dépression axiale a une largeur de 12 à
stratigraphie suivante : à la base de la coupe, la formation 15 m.
alluviale QI a servi de plancher au chenal du Nahr Dawr¬n.
Celui-ci apparaît sous forme d’une accumulation, d’environ Le problème des oueds affluents
60 cm d’épaisseur, de limons et de graviers incluant des
Le canal étant aménagé sur les glacis , entaillant
passées de graviers, des coquilles et de rares tessons (non localement
le plateau, il était directement menacé par les
datables). L’ensemble est recouvert de près de 80 cm de crues des oueds
dont il recoupait le tracé. Certains d’entre
colluvions qui sont venues fossiliser le chenal après l’arrêt eux, plus importants
, ont nécessité des aménagements
de son fonctionnement.
spécifiques
destinés
à
mieux les intégrer dans l’ouvrage et
En aval de la section de Darnaj subsistent les traces de donc à minimiser les risques
d’érosion qu’ils généraient.
deux branches différentes. Une gravière, ouverte à l’endroit
même où elles devaient se raccorder aux tracés décrits cidessus , empêche d ’ établir des liens précis avec eux L’oued d’Es Sijr (vallée du Khb‚r)
(cf. carte h .- t . III, carré J11). La première branche, sans
Peu en aval de sa prise supposée, le Nahr Dawr¬n longe
doute la plus ancienne, car la moins bien conservée, part sur les glacis qui frangent le plateau de Jézireh. À plusieurs
les glacis vers l’aval et l’alvéole de Haj¬n. La seconde, qui reprises, des débouchés d’oueds ont imposé un renforcement
pourrait correspondre à une phase plus récente de mise en des digues aval afin d’augmenter leur résistance à l’érosion.
valeur, se dirige droit vers la terrasse Q0a et, peut-être, vers Dans un cas (fig . 30 a), le tracé a été choisi de façon à
le site de Jebel Mashtala (6 8).
préserver, sous cette digue aval élargie, un lambeau de
formation quaternaire offrant une meilleure résistance à
l’érosion.
carte
h
.t
.
IV
La section d’Abu Hasan :
Peu en aval d’Abu Hasan (9 ), en un lieu où la terrasse
Q0a est une fois encore étranglée entre les méandres du fleuve L’oued de Darnaj (vallée de l’Euphrate)
et un promontoire issu du plateau de Shamiyeh, semble s’être
Lors de son passage dans le plateau, la branche B, dite
posé le même problème qu’à Darnaj. Un premier tracé du de « Darnaj est », reçoit plusieurs oueds importants. À leur
canal, qui empruntait la terrasse en serpentant entre les buttes débouché dans le canal, les digues ont été renforcées, tout
résiduelles de la formation QII, a été recoupé par un méandre, particulièrement celles qui sont opposées à l’embouchure.
imposant un passage beaucoup plus difficile dans le Dans l’exemple présenté figure 30 b, la digue amont,
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
209
209
0m
3
colluvions sur glacis
2
horizon d’accumulation de limons et graviers avec passées
de graviers, coquilles et rares tessons : chenal du Nahr Dawrin
1
formation QI, constituée de limons sableux incluant
des artefacts lithiques levalloiso-moustériens
1
2
Fig
. 29 - Coupe dans le chenal du Nahr Dawr¬n dans la section de Taiyni.
interrompue par le débouché de l’oued, englobe la section
aval de ce dernier, dont le tracé en S est contraint. L’eau qui
emplissait le Nahr Dawr¬n noyait également la partie aval
de l’oued, recreusée, formant une petite mare qui diminuait
les effets des crues et jouait en même temps le rôle de bassin
de décantation. Dans cet exemple, les dépôts accumulés en
amont immédiat de l’embouchure sont donc probablement
contemporains d’une phase de fonctionnement du canal. Ils
ont été incisés postérieurement à l’abandon de l’ouvrage par
une entaille d’érosion régressive qui a également attaqué
les digues et défoncé le chenal du Nahr Dawr¬n.
Le débouché
Nous savons peu de chose de l’embouchure du Nahr
Dawr¬n dans le fleuve, sinon que la tradition 68 la place le
plus souvent à Bqh‚z, au pied des falaises d’Ersi, face à
68 - Cf. ci-dessous, Témoignages.
Abu Keml. Le dernier tronçon, repéré sur le terrain à Es
S‚sa (cf. carte h .- t . V, carré Q20), semble confirmer cette
localisation. Quoi qu’il en soit, l’étranglement de la vallée,
entre le promontoire d’Ard el Bqh‚z et Abu Keml ne
permettait en aucune manière au canal de poursuivre sa route
vers l’aval. Son débouché se trouvait nécessairement entre
Es S‚sa et Bqh‚z, soit sur une section de la vallée longue
de 7 km seulement . D’après J.-M. Durand , les textes
cunéiformes du début du IIe millénaire retrouvés à Mari
procurent des informations qui vont dans le même sens,
précisant ainsi que c’est bien à Dêr (Abu Keml) et non à
Mari que se réunissent les armées avant leur départ vers la
Haute Jézireh, que c’est dans cette localité que se trouve
leur quartier général et que cette localisation particulière
« … se comprend très bien si la flottille prend ensuite le
Nahr Dawrîn pour rejoindre le Habur… » 69.
69 - DURAND 1990 a, p. 136.
210
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
a - schéma des aménagements au débouché d’un oued latéral
de rive gauche à Es Sijr (bas Khabur)
N
chenal du Nahr Dawrin
Nahr
digue
ur
ab
Kh
el
ancien méandre
sens des écoulements
fond de vallée holocène
terrasse pléistocène
N
b - schéma des aménagements au débouché d’un oued latéral
de rive gauche sur le tracé B (Darnaj est)
chenal du Nahr Dawrin
digue
entaille postérieure par érosion régressive
dépôts de décantation
sens des écoulements
Fig. 30 - Exemples d’aménagements aux débouchés d’oueds latéraux dans le Nahr Dawr¬n.
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
Témoignages
— AINSWORTH 1888, p. 387 : à hauteur de Irzah/Ezra (Bqh‚z),
« the river itself took a south-westerly bend round the plain […]
whilst the plain itself was detached from the hills by a canal, called
by the Arabs Musah, and it corresponds to the Masca of Xenophon,
it must be of great antiquity. »
— KIEPERT 1900, carte : le tracé du canal Daur¬n part d’El
ºöne sur le Khb‚r et aboutit dans l’Euphrate en face de Sale̬je
[= Slih¬ye], en allant à peu près en droite ligne.
— B ELL 1 9 1 0 , p . 530 : « Between the Khabur and the
Euphrates Kiepert marks an ancient canal, and names it the Daurin.
According to the map, it leaves the Khabur at a point opposite to
the village of Höjneh, and joins the Euphrates opposite Salihiyeh
(Sachau travelled up the left bank of the Khabur, and should
therefore have crossed the course of the canal, but he makes no
mention of it). The existence of the canal cutting is well know to all
the inhabitants of these parts (they call it the Nahr Dawwarin), but
they affirm that its course is much longer than is represented by
Kiepert, and that it touches the Euphrates at Werdi. My route on
the first day lay between the canal and the Euphrates, at a distance
that varied from an hour to half an hour from the river, and though
I did not see the Dawwarin, its presence was clearly indicated by
the lines of kanats (underground water-conduits) running in a
general southerly direction—north-north-west to south-south-east,
to be more accurate—across ground that was almost absolutely
level. »
p. 532 : « Within the circuit of a great bend in the channel,
the ground for 3 miles or so is extremely low and is partially
submerged when the stream comes down in flood. On its eastern
side the low ground is bounded by a rocky ridge which crosses the
desert from a point a little to the south of the Khabur, passes behind
what I suppose to be the course of the Dawwarin, and terminates
in the bold bluffs of Irzi at the lower limit of the Werdi bend. When
the river is exceptionally high it covers the whole area up to the
hills ; my informant, an Arab of the Bu Kemal, remembered having
once seen this occur ; but in ordinary seasons it merely overflows
a narrow belt and fills a canal that lies close to the eastern hills.
The canal is connected by two branch canals with the river, and
joins the Euphrates under the bluff of Irzi. The river rises about
the middle of April, but the big canal under the hills was still half
full of water when I saw it in March, and the crops were irrigated
from it by jirds. It is known locally as the Werdiyeh, but I was
informed that it was in fact the lower end of the Dawwarin, which
joins the Euphrates here and not at Salihiyeh (I looked carefully
for any trace of a big canal opposite Salihiyeh, and saw none). »
— HERZFELD 1920, p. 386 : « Der Euphrat bespüllte immer
den Westrand dieses Gebietes, am Ostrand war in frühislamischer
Zeit und wahrscheinlich schon im hohen Altertum ein Kanal
angelegt, der vermutlich beim Tell ºidjnah vom Khb‚r abzweigte
und sich bei al-Ward¬, gegenüber von Alb‚ Kaml, mit dem Euphrat
vereinigte (Abb. 370) » (sur cette carte, le canal est tracé à peu
près en droite ligne entre les deux points cités).
— ALBRIGHT et DOUGHERTY 1926, p. 16 : « The Euphrates and
Khabûr Valleys are here very fertile and water was distributed for
211
211
irrigation by the Semiramis and the Khabûr Canals (Nahr Dawarîn)
[…]. Other canals there doubtless were, but these two were the
most important, constructed before the Assyrian period, as may be
demonstrated from our literary sources. »
— CUMONT 1926, p. XX, n. 5 : « ce canal, appelé aujourd’hui
Nahr-Dawarîn, partait du Khabour à une dizaine de milles en amont
de son embouchure et venait lui-même déboucher dans l’Euphrate
presque en face d’Abou-Kémal, à l’endroit où les hauteurs qui
portent les ruines d’Irzi limitent la plaine vers le Sud. Ses traces
sont encore bien visibles, mais il ne contient plus d’eau qu’à
l’époque de la crue. Il est probable qu’il remonte à l’époque lointaine
des rois de Tirqâ. »
— MUSIL 1927, p. 60, n. 44 : « the Dawrîn of today, which
branches off from al-øâbûr at the settlement of as-Sukejr. »
p. 82 : « Near the last-named place (as-Sicer) the Dawrîn
canal branches off. »
p. 173 : [un peu avant Kishma] « we observed on our right
the ancient Dawrîn canal and thenceforth had to cross all its
numerous branches which run off to the west. Dawrîn is said to
end beneath the crag of al-‘ErÒi by the Abu Rak˚k˚ ruins in the plain
ºâwi al-Barû˚. »
p. 176 : « The Dawrîn canal flows about one and a half
kilometers to the northeast, but a side branch of it brought water
as far as al-Merwânijje. »
p. 178 : « we had to the south-southwest the fields of †îbân,
to the north-northwest the KrâÌ ruins, and about three kilometers
to the north, the Dawrîn canal. »
p. 198 : « From the river al-øâbûr water was also led off
through a canal to irrigate the fertile flood plain, here ninety
kilometers long and in some places nearly six kilometers wide, on
the left bank of the Euphrates. This canal, called øabur-ibalbuga·,
was constructed in the beginning of the second millenium before
Christ by the Babylonian king Hammurabi. Tukulti Enurta (Tukulti
Ninip) II also mentions the Pal-gu ·a (Nâr) øâbûr. »
p. 222 : « Both banks of the lower øâbûr as well as the right
bank of the Dawrîn canal are covered with ruins and are very
fertile to this day. »
p. 339 : « The Dawrîn canal issues from al-øâbûr below the
settlement of as-Sicer, the ancient as-Sukejr. »
— DU MESNIL DU BUISSON 1948, p. 3 : « On notera surtout les
vestiges du canal d’irrigation de haute antiquité, dit Daoûrîn (fig. 4).
Venant du Habour, il suivait le bord de la vallée de l’Euphrate au
pied de la falaise, pour rejoindre le fleuve au-dessous de l’éperon
rocheux d’‘ErÒi. La carte d’avion (pl. V), dans l’angle supérieur
droit, montre l’embouchure de ce canal. La grande boucle que
formait l’Euphrate à cet endroit est asséchée depuis des siècles, de
sorte que l ’ ancien canal aboutit aujourd ’ hui à une plaine
alluvionneuse, cultivée, et semble s’y jeter. »
— LAUFFRAY 1983, p. 63 : « cet immense canal (le canal
Dawwarîn) créé par Hamourapi est sans doute le plus fameux de
toute la Mésopotamie. Sa prise d’eau se trouvait probablement à
proximité du tell Secher, dont l’étymologie viendrait de Σαχαvρη
la digue. »
212
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Irrigation ou navigation : quelle était la fonction
principale du Nahr Dawr¬n ? L’hypothèse d’un canal creusé,
dès l’origine, sur plus de 110 km à seule fin de répondre aux
besoins de l’irrigation ne nous semble guère plausible. La
lourdeur des travaux de mise en œuvre et d’entretien, la
largeur que l’on entrevoit à peu près constante 70, la position
sur les glacis vont elles aussi à l’encontre de cette hypothèse,
d’autant que l’on connaît dans la vallée d’autres canaux
d’irrigation, dont les caractéristiques sont très différentes.
En revanche, le projet de doubler le fleuve par une voie d’eau
plus facilement navigable et plus courte semble admissible.
Quelques chiffres permettent de poser simplement le
problème. Telle que nous l’avons restituée, la longueur totale
du canal serait de près de 116 km. Le même trajet, effectué
par voie fluviale, représente, essentiellement du fait des
méandres, une distance de 154 km (dont 28 km sur le Khb‚r
et 126 km sur l’Euphrate). Le canal permet donc un gain
équivalent au quart de la distance à parcourir, ce qui est loin
d’être négligeable. Surtout, l’Euphrate, en raison des
variations importantes de son débit, n’est pas navigable en
toutes saisons, alors que le Khb‚r doit à son alimentation
principalement karstique un débit relativement régularisé.
Enfin, les méandres du fleuve imposent, à la remonte, un
halage pénible tandis qu’un simple chemin longeant le chenal
artificiel facilite la tâche. Cette hypothèse, aussi osée qu’elle
puisse paraître, a donc notre préférence. Que le Nahr Dawr¬n
ait pu, ultérieurement et notamment à l’époque islamique 7 ,
servir, sur sa seule section amont, à l’irrigation est bien sûr
tout à fait plausible.
Mais c’est vraisemblablement un canal de navigation
qui a été construit à l’origine. Dès lors, il devient essentiel
de savoir quand a été réalisé ce gigantesque ouvrage. Les
travaux colossaux qui ont été mis en œuvre pour le construire
— rappelons qu’il mesure près de 116 km de long et qu’en
plusieurs endroits, il a été creusé dans le plateau — ne se
justifient que si ce canal avait un caractère fondamental, voire
vital pour ses concepteurs. À qui un canal de navigation a-til été à ce point indispensable ? En l’absence de témoignage
écrit sur l’époque de sa construction, nous pouvons émettre
des hypothèses qui prennent en compte les différents
éléments à notre disposition :
— le canal n’est pas branché sur l’Euphrate, mais sur le
Khb‚r ; il n’a donc pas pour fonction de faciliter la
navigation dans la seule vallée de l’Euphrate ni de mettre
en relation deux régions situées sur ce fleuve ; il sert au
contraire à relier, à longueur d’année, la région aval de
l’Euphrate à cette rivière et, par delà, aux riches régions
du haut Khb‚r ;
— le tracé depuis le Khb‚r jusqu’à Abu Keml implique
que la puissance politique qui aménage cet ouvrage a une
totale maîtrise de l’ensemble de la région 72 ;
,
quatre époques, d’après ce que nous pouvons savoir de
leur histoire, pourraient être concernées et avoir connu
des états suffisamment forts pour exercer leur domination
sur l’ensemble de cette zone : l’âge du Bronze, hors le
Bronze récent qui apparaît comme une période de
régression ; l’époque néo-assyrienne ; l’époque classique ;
l’époque islamique ;
— la jonction du canal et de l’Euphrate ne se situe pas
n’importe où : le débouché, point important à contrôler,
se trouve à hauteur du verrou de Bqh‚z ;
— un seul site d’envergure se trouve suffisamment proche
de ce débouché pour avoir exercé ce contrôle et avoir pu y
trouver un intérêt direct. Il s’agit de Tell Hariri/Mari, à
une douzaine de kilomètres en amont ; en revanche, la
ville de Doura-Europos, à près de 40 km, en est déjà fort
éloignée.
Quand on met en relation ces différents points, seul l’âge
du Bronze avec la cité de Mari paraît envisageable. À aucun
autre moment de son histoire, la vallée n’a connu une
agglomération aussi puissante, capable de dominer toute la
région, et établie à proximité du débouché du canal.
Nous ajouterons un indice archéologique qui, en attestant
un fonctionnement probable du Nahr Dawr¬n au Bronze
moyen 73, situe son creusement au plus tard à cette époque 74.
Nous le détaillerons plus loin, lorsque nous passerons en
revue les périodes de fonctionnement.
Il convient alors de comprendre les raisons qui ont
poussé les gens de Mari à construire ce canal. Quelle peut
avoir été la justification d’un tel ouvrage ?
La navigation sur l ’Euphrate permet un trafic de
marchandises pondéreuses entre la Mésopotamie centrale
et méridionale en aval et la Syrie occidentale et le Khb‚r
en amont. Il est évident qu’un point de contrôle installé sur
cet axe commercial en tirera un bénéfice, qui sera d’autant
plus grand que le trafic sera lui - même important et
permanent. À cette fin, l’aménagement d’un canal de
navigation branché sur une rivière pérenne à débit à peu
près régulier n’a pu que faciliter le trafic et en permettre
l’augmentation. Pour J.-Cl. Margueron 75, le commerce qui
est , avec l ’ agriculture , un des deux fondements du
70 - La constance des dimensions des canaux du Khb‚r donne à penser à
P. Ergenzinger qu’ils étaient aussi destinés à la navigation (ERGENZINGER
1987, p. 35).
71 - Cf. ci-dessous p . $$$. Cf. aussi BERTHIER et D’HONT 1994.
72 - MONCHAMBERT 1990 a, p. 95 ; MARGUERON 1990 b, p. 174-176, 181182.
73 - Un seul indice direct permettrait d’envisager son fonctionnement au
Bronze ancien, l’existence sur la rive du Nahr Dawr¬n du site de D¬bn 4
(88 44), sur lequel une occupation est possible à cette époque.
74 - Nous ne pouvons donc souscrire à l’avis de J.-M. Durand (1998, p. 575)
qui attribue cet aménagement à des périodes plus tardives, néo-assyrienne
ou islamique. Il reconnaît cependant, pour l’époque paléobabylonienne,
qu’« il est néanmoins certain qu’il y avait un canal qui partait du Habur et
qui allait au minimum jusqu’à —uprum (Abu Hassan) » ( ., p. 631).
75 - MARGUERON 1990 b, en particulier p. 177 . ; 1991 b, p. 87 . ; 1996,
p. 15.
Fonction du canal et datation
1
a priori
ibid
sq
sq
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
213
213
développement de Mari, est la raison d’être du canal, dont il
fait remonter la construction au début du Bronze ancien, dès
l’origine de la ville : « le canal de transport apparaît comme
l’élément déterminant pour sa fondation » ; il en « donne la
clef » . La création
de cette ville en terrain
inhospitalier ne peut se comprendre par la seule mise en
valeur agricole de son terroir. Mari n’existe que parce qu’elle
contrôle un axe commercial important qui relie la Syrie du
Nord et de l’Ouest au pays sumérien par l’Euphrate et qui
lui procure d’importants revenus grâce aux taxes qu’elle
impose. Il est vrai que le fleuve, s’il autorise une navigation
minimale et , par conséquent , l ’ exercice d ’ un certain
commerce, ne permet pas à ce dernier de prendre réellement
de l ’ ampleur , notamment en raison des importantes
difficultés de remonte. En revanche, la construction d’un
canal ne peut que favoriser la navigation : elle la rend possible
en toute saison, contrairement à l’Euphrate, elle raccourcit
le trajet, enfin et surtout, elle facilite un trafic à double sens.
Cependant, cet ouvrage est un investissement tel que le
seul commerce de transit, même s’il est très lucratif, ne suffit
peut-être pas à le justifier. Que celui-ci ait été nécessaire à
Mari est indéniable et c’est à lui que la ville dut sa puissance.
Mais il nous semble que la création de ce canal peut avoir
une autre justification, plus fondamentale encore.
Mari, nous l’avons vu, est installée dans une grande
alvéole , au potentiel agricole sans doute important ,
notamment après l ’ aménagement d ’ un grand canal
d’irrigation. Ce terroir devait probablement suffire, en temps
normal, à couvrir les besoins en céréales de la population,
même s’il nous est difficile de les évaluer 76. Mais dans cette
région de cultures irriguées, les récoltes ont toujours été
aléatoires et pouvaient varier considérablement d’une année
à l’autre, pour de multiples raisons : année sèche, crue
insuffisante pour alimenter correctement le canal d’irrigation
ou invasion de sauterelles 77 qui détruit toute la production.
Mari devait parer de telles catastrophes et se mettre à
l’abri d’éventuelles pénuries. Ce n’est alors pas un simple
complément de blé que ses rois pouvaient en attendre. Il
leur était indispensable de pourvoir rapidement à un
approvisionnement massif en céréales, pouvant aller jusqu’à
l’équivalent d’une récolte complète. La survie de la ville
était en jeu. Dès lors, ce sont des quantités considérables
qui devaient être importées.
Le grenier à blé le plus proche et le plus riche est la
plaine du haut Khb‚r. Dans cette région relativement
humide et cultivable sans irrigation, les récoltes étaient moins
aléatoires. C’est donc depuis cette zone que l’on pouvait
acheminer d’énormes quantités de céréales jusqu’à Mari 78.
Un transport terrestre, envisageable ponctuellement pour des
quantités limitées, ne l’était plus dans ce cas. On conçoit
dès lors que ses souverains aient procédé au creusement de
ce canal reliant directement Mari au Khb‚r. Que cette ville
soit située à proximité de son terminus n’est dès lors pas dû
au hasard.
Il est possible d’ajouter une autre explication. Les
fouilles récentes ont mis en évidence l’importance de la
métallurgie dans la première ville de Mari 79. Fondée sur la
transformation du cuivre et de l’étain, cette activité qui
pourrait avoir été un des facteurs clés de la naissance de la
ville et de sa croissance nécessitait un approvisionnement
abondant et régulier en matières premières ; dès lors, la
construction du canal aurait permis l’importation, à longueur
d’année, de minerai de cuivre depuis le Taurus, d’étain en
provenance d’Iran depuis la région de la Diyala. Là encore,
la position de Mari à proximité du débouché du canal est
significative.
Indispensable à la survie de Mari, et — secondairement
— nécessaire à sa puissance, le canal de navigation lui est
étroitement associé. Doit-on dès lors faire concorder son
creusement et la fondation de la ville ? Est-ce dès les premiers
temps de la cité, voire dès sa conception, qu’il a été aménagé,
ou plus tard, dans le courant du Bronze ancien ou au Bronze
moyen ?
Une datation à l’époque paléobabylonienne nous paraît
exclue. Sa construction ne serait pas passée inaperçue et
apparaîtrait sous une forme ou sous une autre dans la
documentation écrite qui a été retrouvée . En effet ,
l’aménagement d’un ouvrage aussi colossal, par la main
d’œuvre nécessaire et par la durée des travaux, ne peut que
marquer les esprits et son souvenir se serait perpétué, ne
serait-ce que par un nom d’année ou par une quelconque
autre allusion. Par ailleurs, nous avons déjà précisé à propos
du canal d’irrigation de l’alvéole de Tell Hariri que, d’après
les textes, le début du IIe millénaire n’est pas une période de
construction de canaux, mais seulement de remise en état et
d’entretien de ceux qui existaient. La situation politique de
la vallée aux XXe et XIXe s. ne nous permet pas d’envisager la
construction d’un tel aménagement qui suppose un pouvoir
politique particulièrement puissant et bien établi sur la totalité
du territoire traversé par le canal : en effet, la vallée semble
avoir été alors sous le contrôle des tribus nomades et
morcelée en plusieurs petits états. Lorsqu’un état fort est
restauré par Yahdun-Lîm, et ensuite sous ses successeurs,
aucun témoignage ne mentionne ces travaux. Yahdun-Lîm
est le seul dont nous savons qu’il procéda à de grands travaux,
dont le (re)creusement d’un canal, mais il s’agit du I·îm-
76 - Les renseignements que donnent les archives d ’ époque
paléobabylonienne ne semblent pas très explicites : « il est certain que la
production agricole du royaume n’était pas auto-suffisante » (DURAND
1990 b, p. 86). Mais cette interprétation a été remise en question depuis
lors (DURAND 1997, p. 355).
77 - De tels phénomènes, attestés par les archives paléobabyloniennes,
n’étaient sans doute pas rares.
78 - MARGUERON 1991 b, p. 97.
79 - MARGUERON 1996, p. 15.
ex nihilo
214
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
Yahdun.Lîm, en rive droite. C’est donc au IIIe millénaire
qu’il convient de faire remonter le creusement de cet ouvrage.
Nous avions déjà proposé 80 d’associer cet aménagement
au développement de Mari dans le courant du Bronze ancien
et à l’augmentation de ses besoins en céréales. Le transit
commercial, qui assurait la prospérité de Mari, aurait ensuite
bénéficié de l’existence de ce canal.
En fait, et bien que nous ne connaissions pas la situation
politique au début du Bronze ancien, trois arguments majeurs
nous incitent à dater le creusement du Nahr Dawr¬n des tout
premiers moments de la ville. D’une part, comme nous
l’avons rappelé à la suite de J.-Cl. Margueron, Mari n’a guère
de raison d’être si n’existe pas, sous son contrôle, une voie
commerciale empruntant la vallée de l’Euphrate. D’autre
part, si, selon l’hypothèse de J.-Cl. Margueron que nous
avons également évoquée ci-dessus, « la cité de Mari des
débuts [était] un centre métallurgique d’envergure 8 », le
canal facilitait son approvisionnement en matières
premières. Enfin, nous avons souligné précédemment le
caractère vital de ce canal pour son approvisionnement
en céréales en cas de crise. Or, on connaît désormais
l’existence, dès le Dynastique archaïque 1, de nombreux
silos 82 dans la moyenne vallée du Khb‚r , où aurait
été stockée la production céréalière (les surplus ?)
destinée à approvisionner des régions déficitaires. C’est
vraisemblablement dans ces entrepôts que Mari venait
chercher le blé qui lui était indispensable et il n’est pas
impossible de penser, avec M. Fortin 83, qu’elle les contrôlait.
Aussi peut - on imaginer que c ’ est en se fondant sur
l’expérience que la construction du canal a été engagée, dans
ce triple objectif commercial , « métallurgique » et
« alimentaire ».
Il est par ailleurs indéniable que le canal a pu servir
également , à certains moments , à transporter des
compléments alimentaires à destination de Mari ou de
régions plus méridionales ; de telles expéditions de grain
sont attestées à l’époque d’Akkad et elles le sont encore au
IIe millénaire, où l’on constate la « nécessité d’aller acheter
du grain loin, surtout vers l’ouest (royaume d’Alep) ou dans
le nord-est (Djéziré) » en raison de « l’instabilité et du
mauvais rendement » de la production agricole 84.
Cette datation haute est contestée par J.-M. Durand qui
nie l’existence d’une voie commerciale pérenne reliant la
Babylonie et la Syrie. Les arguments avancés 85 ne nous
semblent cependant pas convaincants, car ils s’appuient sur
des textes du début du IIe millénaire, donc bien postérieurs à
la fondation de Mari, à une époque où la situation pouvait
être fort différente. Que l’axe de l’Euphrate n’ait pas connu
une forte activité au XVIIIe s. av. J.-C. 86 est communément
admis, mais cela n’implique pas qu’il en ait été de même au
IIIe millénaire. Le siècle et demi d’anarchie politique qui
semble avoir marqué le début du IIe millénaire peut avoir
provoqué un démantèlement du réseau antérieur des
échanges, que la période de renouveau, trop courte, n’eut
pas le temps de restaurer . L’approvisionnement de la
Mésopotamie méridionale en céréales du Khb‚r peut fort
bien avoir continué à emprunter d’autres voies mises en place
lors de l’effondrement de la puissance mariote. En outre, les
besoins de Mari peuvent avoir été moindres qu ’ au
Dynastique archaïque ou qu’à l’époque d’Akkad, expliquant
ainsi partiellement le silence des textes . Les sources
d’approvisionnement, enfin, peuvent avoir changé et s’être
déplacées de la haute Jézireh aux royaumes occidentaux
comme ceux d’Alep ou de Karkémish, lesquels semblent
avoir disposé d’un important potentiel d’exportation de
céréales à l’époque de Zimrî-Lîm 87. On notera à ce propos
qu’il n’est fait appel à ces régions que dans des conditions
de grave pénurie ; il est peut-être normal que la région du
Khb‚r ne soit pas mentionnée dans les archives si elle
constitue une source d’approvisionnement de base au même
titre que la région même de Mari.
Si Mari fut la principale bénéficiaire du canal de
navigation, Terqa en tira probablement aussi profit et il est
peu vraisemblable qu’elle ait été « court-circuitée […] pour
des raisons de déplacement ou de transport » par Mari ; au
contraire, située à proximité de ce canal, qui plus est à
l’endroit où ce dernier se rapproche le plus de l’Euphrate,
elle ne pouvait manquer de profiter, d’une façon ou d’une
autre, du trafic qui l’empruntait.
Il est vrai que les textes retrouvés à Mari ne sont pas
d’un grand secours pour démontrer l ’existence d’une
éventuelle navigation sur les canaux. La documentation
écrite, bien que rare, n’est cependant pas totalement absente.
Une lettre de Sûmû-Hadû 88, déjà mentionnée ci-dessus, relate
un incident survenu sur le canal d’irrigation de l’alvéole de
Mari au moment où il était utilisé pour le transport des
céréales. Bien que cet événement se produise sur un canal
dont la fonction première était l’irrigation, ce texte nous
80 - GEYER et MONCHAMBERT 1987 b, p. 331-332.
81 - MARGUERON 1996, p. 15.
82 - Par exemple, à Tell ‘Atij, à Tell Raqa’i, à Tell Mashnaqa ou encore à
Tell Ziyada.
83 - FORTIN 1997, p. 68-70. Nous ne croyons guère que ces silos aient pu
servir à stocker les récoltes de nomades, comme le soutient B. Lyonnet
(2000, p. 18). Le nombre de ces silos et leur capacité semblent impliquer
des productions importantes, qui sont plus le fait d’agriculteurs sédentaires
que de nomades. En outre, leur concentration en un seul secteur du moyen
Khb‚r et leur position le long de la rivière plaident en faveur d’une zone
de stockage centralisée avant redistribution. La localisation de cette zone
au sud du bassin du haut Khb‚r semblerait indiquer que cette redistribution
était destinée aux territoires du sud plutôt qu’à ceux du nord.
84 - DURAND 1990 a, p. 108.
85 - DURAND 1998, p. 574-575 et p. 580.
86 - Le trafic devait cependant avoir une certaine densité, comme l’attestent
un certain nombre de textes. Sinon, comment expliquer l’importance du
port fluvial d’Imar ou la volonté, rappelée par F. Joannès (1996, p. 326),
que manifestent à plusieurs reprises les royaumes de Babylone et
d’Eshnunna de contrôler l’Euphrate ?
87 - MICHEL 1996, p. 393-394.
88 - DURAND 1990 a, p. 136-137, LAFONT 1992.
1
Avant-Propos
215
Les aménagements hydrauliques
démontre que la navigation sur des canaux était pratiquée à
l’époque. Le fait que cette attestation soit unique montre
bien que la seule absence de documentation écrite relative à
une possible navigation sur le Nahr Dawr¬n n ’est pas
suffisante pour réfuter l’hypothèse.
215
Vraisemblablement construit au début du Bronze ancien,
le Nahr Dawr¬n a connu, au cours de l’histoire, des périodes
d’abandon, suivies de remises en état, au moins partielles.
Conçu pour la navigation , il a pu servir aussi ,
secondairement, à des fins d’irrigation. Son fonctionnement
peut être retracé dans ses grandes lignes.
Bien que peu nombreux, les éléments de datation directs
sont plus variés que pour les autres canaux de la vallée ; ils
consistent en trois séries de données : le matériel récolté sur
les digues, les sites implantés le long du canal, les analyses
au 4C.
Le ramassage effectué sur les digues ne nous a pas
permis d’obtenir une datation indubitable. Le matériel qui y
a été retrouvé est trop peu abondant et insuffisamment
typique pour être toujours identifié et daté avec certitude.
Quelques rares tessons ont été récoltés sur les sections
de Darnaj, sur les digues ou sur la surface des terrasses
quaternaires, de part et d’autre du canal. Ils ne donnent
aucune indication pour le tracé A ; quant au tracé B, les
incertitudes sont à peine moindres, avec une large fourchette
chronologique, qui couvre plus d’un millénaire depuis le
Bronze moyen jusqu’à l’époque néo-assyrienne 89. La seule
certitude est que ce matériel est nettement antérieur à
l ’ époque islamique . Il nous autorise à envisager un
fonctionnement de ce deuxième tracé au moins dès le
I er millénaire av . J .- C . Nous nous écartons donc des
conclusions d’A. Ozer, selon lequel « l’abandon du premier
chenal et le creusement du second dateraient de l’époque
islamique 90 ».
Deux des trois tessons retrouvés sur les digues du tracé B
de la section d’Abu Hasan 9 peuvent être datés du Bronze
moyen, mais, là aussi, la marge d’incertitude demeure assez
grande. Ils ne fournissent en fait guère plus d’informations
que pour la section de Darnaj.
Si nous pouvons observer une convergence en faveur
d’une datation au Bronze moyen du tracé le plus récent, nous
ne pouvons aller au-delà.
Plusieurs sites sont directement liés au canal, et leur
période d’existence devrait correspondre à une de ses phases
de fonctionnement. Si le tronçon amont, avant le défilé de
Darnaj, était en eau à l’époque islamique comme l’indique
une série d’implantations établies sur ses rives 92, quelques
sites occupés antérieurement attestent d’autres périodes de
fonctionnement . Nous n ’ avons cependant pu établir
précisément la datation de chacun d’entre eux. Un de ces
sites a été occupé à l’époque romano-parthe, Shheil 1 (9 3) ;
Darnaj (8 6) l’a aussi été à cette époque, mais du fait de son
implantation très particulière — il domine à la fois la
branche A du canal et l’Euphrate —, il n’est pas certain qu’il
ait été lié directement au canal, même si sa position est
stratégiquement très intéressante. Cinq sites attestent une
occupation à l’époque néo-assyrienne : Er Rshdi 3 (1 95),
D¬bn 3 (6 6), D¬bn 11 (1 62), El Jurdi Sharqi 1 (6 9), El Jurdi
Sharqi 2 (7 2) ; on peut éventuellement y ajouter D¬bn 15
(1 86), même s’il est un peu loin du canal pour lui devoir son
existence, et D¬bn 17 (1 88), dont la datation est incertaine.
D¬bn 4 (8 4) semble avoir été occupé antérieurement, au
Bronze ancien et au Bronze moyen. Ces éléments nous
permettent de proposer un fonctionnement du canal, du
moins entre sa prise d’eau et l’alvéole d’Abu Hammm, en
aval de Darnaj, de façon à peu près certaine au Bronze ancien,
au Bronze moyen et à l ’ époque néo - assyrienne , et
éventuellement à l’époque classique. Plus en aval, près du
débouché dans l’Euphrate, le site d’Es S‚sa 4 (1 57) occupé
avec certitude au Bronze moyen se trouve à côté du canal,
mais il n’est pas sûr que son éloignement de l’Euphrate ait
été suffisant pour rendre indispensable l’apport du Nahr
Dawr¬n 93 ; on ne peut donc l’utiliser comme élément de
datation du canal.
Le troisième élément de datation est fourni par des
échantillons de charbons de bois prélevés dans le chenal près
de Darnaj et analysés en laboratoire. Les dates obtenues se
situent à l’époque islamique 94.
L’ensemble de ces données factuelles nous permet
d’envisager un fonctionnement du Nahr Dawr¬n au Bronze
ancien, au Bronze moyen, à l’époque néo-assyrienne et à
l ’ époque islamique . Qu ’ en est - il des périodes
intermédiaires ? Et peut-on préciser sa fonction au cours de
l’histoire ?
Aucun site du Bronze récent n’a été repéré le long du
canal. En revanche, l’alvéole d’Abu Hammm en compte
plusieurs, fixés sur le tracé d’un autre canal, celui d’El Jurdi
Sharqi. Cette concentration de l’habitat en aval de l’éperon
de Darnaj et la présence de deux autres sites dans l’alvéole
89 - Cf. annexe 2 et pl. 119 : tracé A (1 725-11 726
726), tracé B (1 7 1 3-11 7 1 55).
90 - OZER 1997, p. 123. Voir également ci-dessus, p . 27$.
91 - Cf. annexe 2 et pl. 119 (1 722-11 724
724).
92 - Pour le détail, voir BERTHIER
. 2001.
93 - Cf. chap. IV.
94 - Nous avons pu effectuer deux prélèvements d’échantillons de charbons
de bois sur le tracé du Nahr Dawr¬n dans le secteur de Darnaj, tous deux
sur la section de Darnaj est (tracé B). Le premier a été effectué dans les
sédiments qui ont comblé le chenal d’écoulement dans son dernier état,
juste en amont de son passage en tranchée dans la formation QII ; il est
contemporain de la dernière période de fonctionnement du canal ou de son
abandon. La date 4C obtenue est de 1095 ± 75 BP (no de comptage Ly5151 ; LA-CNRS no 11, université Lyon 1-CNRS) ; l’intervalle en années
réelles après correction (courbe de calibration 1993) va de 756 apr. J.-C. à
1104 apr. J.-C. Le second échantillon a été prélevé dans un petit foyer,
présent dans le chenal, à 1,5 m de profondeur, immédiatement en aval de la
tranchée du tracé B, et devrait être postérieur à l’abandon du canal. La date
4
C obtenue est de 1020 ± 50 BP (no de comptage Ly-7488 ; LA-CNRS no 11,
université Lyon 1-CNRS) ; l’intervalle en années réelles après correction
(courbe de calibration 1993) va de 906 apr. J.-C. à 1154 apr. J.-C.
1
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et al
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216
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
amont peuvent-elles nous permettre d’envisager que le Nahr
Dawr¬n était en eau jusqu’à Darnaj ? Bien qu’un peu risquée,
d’autant que nous ne connaissons pas grand -chose du
contexte historique et socio-économique de cette époque,
cette hypothèse pourrait être corroborée par le canal de Jebel
Mashtala (6 8) qui, nous l’avons vu, pourrait constituer une
dérivation du Nahr Dawr¬n. Après une probable période
d ’ abandon , le Nahr Dawr¬n aurait été remis en
fonctionnement à l’époque kassite jusqu’à Jebel Mashtala,
vraisemblablement à des fins d’irrigation. Peut-être pourraiton voir dans ce réaménagement l’œuvre d’un roi de Terqa
du nom de Hammurabi, dont on sait qu’il a « creusé le canal
øabur-ibal-buga· depuis la ville de Dûr-I·arlim jusqu’à la
ville de Dûr-Igitlim » 95.
Le fonctionnement du canal à l’époque néo-assyrienne
semble mieux assuré. Il se situe dans le prolongement de
plusieurs canaux qui doublent le Khb‚r, sur tout son cours,
depuis Hassekeh 96. Une inscription du souverain Tukult¬ninurta II mentionne un « canal du Khb‚r » 97 quelque part
entre Sirqu (El ‘Ashra, 5 4) et le Khb‚r. Malgré l’absence
de renseignements plus précis et compte tenu de la
localisation approximative des toponymes cités 98, on peut
penser qu’il s’agit du Nahr Dawr¬n. Nous aurions là une
confirmation de son fonctionnement à l ’époque néo assyrienne. Le tronçon en service allait, dans ce cas, au
minimum jusqu’à l’éperon de Darnaj. On peut penser,
compte tenu de la présence des deux sites d’époque néoassyrienne d’El Jurdi Sharqi 1 (6 9) et 2 (7 2) dans l’alvéole
d’Abu Hammm, que le canal la parcourait. Allait-il jusqu’à
—upru (= Tell Abu Hasan, 9 ) ? L’inscription de Tukult¬ninurta II ne donne aucun autre renseignement. Elle ne nous
précise pas non plus la fonction de ce canal. L’hypothèse
qu’il ait servi à la navigation ne nous semble pas devoir être
exclue. La vallée du Khb‚r était alors soumise à la
domination d’un pouvoir politique fort et bien structuré qui
dynamisait la région et la rendait prospère en développant,
de part et d’autre de la rivière, un grand réseau de canaux. Il
n’est pas impossible que ce réseau, interprété comme un
système régional d’irrigation 99, ait servi aussi à la navigation.
L’existence, à l’aval, de centres locaux tels Sirqu (5 4), —upru
(9 ) et, plus loin, Haradu et ‘Ana, peut avoir incité le pouvoir
néo-assyrien à le prolonger vers l’aval, pour doubler un
Euphrate moins facilement navigable. La puissance en place
était, semble-t-il, en mesure d’assurer le fonctionnement d’un
ouvrage aussi long, en s’appuyant, le cas échéant, sur des
centres locaux comme celui situé à Jebel Masikh (1 6) ou,
si le canal allait jusque-là, —upru (Tell Abu Hasan, 9 ), les
deux plus grands sites néo-assyriens de la rive gauche.
Il semble bien qu’à l’époque perse achéménide, le canal
n’ait pas été en fonctionnement. Aucun site ne se trouve sur
son parcours . La région paraît alors en importante
régression ; le peuplement de la vallée semble réduit et l’on
ne voit guère quelle autorité aurait pu gérer le fonctionnement
du canal, même limité à l’irrigation. Confirmation en est
donnée par Xénophon 00 : séjournant en – 401 à Korsoté
(Buseire 1, 7 5), à la confluence du Khb‚r, il signale que la
ville est « abandonnée », puis, alors qu’il parcourt la rive
gauche de l’Euphrate, il ne fait état que d’un paysage de
désolation : « il n’y avait ni herbe, ni arbre d’aucune sorte ;
tout le pays était nu ».
Pour l’époque séleucide et romano-parthe, nous avons
quelques données en faveur d’un fonctionnement du Nahr
Dawr¬n. Trois sites (Shheil 5 [1 68] et 1 [9 3] et D¬bn 21
[2 0 0]), fort distants de l’Euphrate, mais peu éloignés du
canal , pourraient en avoir dépendu pour leur
approvisionnement en eau. Par ailleurs, un parchemin de
Doura-Europos 0 mentionne sur le Khb‚r un village, ou
un lieu-dit, du nom de Sachare-da-hawarae, que l’on peut
traduire par le « barrage blanc » ou la « digue blanche » et
qui pourrait désigner la prise d ’ eau . Bien que les
rapprochements phonétiques soient dangereux, on ne peut
complètement passer sous silence la double ressemblance,
d’une part du premier terme avec le toponyme de Seªer (Es
Sijr), d’autre part des deux éléments « da-hawarae » avec
Dawr¬n, d’autant que ce nom est la transcription, peut-être
mal maîtrisée, d’un toponyme local en grec ; on remarquera
simplement qu’au début du XXe s., certains voyageurs ou
archéologues parlent du Dawwarîn. Il n’est pas impossible
aussi que le Nahr Dawr¬n soit mentionné, au IIe s. apr. J.-C.,
par le géographe grec Ptolémée 02 ; il semble bien en effet
que l’on puisse le reconnaître dans le cours inférieur du
Saokoras 03. Le canal pourrait n’avoir servi alors qu’à
l’irrigation. En effet, la ville de Doura-Europos avait besoin
de s’appuyer sur un terroir lui permettant de s’approvisionner
en céréales ; elle devait donc gérer un réseau d’irrigation
dont pouvait faire partie ce canal. Celui-ci arrosait l’alvéole
de D¬bn, et très probablement celle d’Abu Hammm, car
l’approvisionnement en eau d’El Jurdi Sharqi 1 (6 9), en
amont du canal d’El Jurdi Sharqi, pose problème si le Nahr
Dawr¬n ne se prolongeait pas dans ce secteur de l’alvéole.
95 - THUREAU-DANGIN et DHORME 1924, p. 267.
96 - ERGENZINGER 1987 ; KÜHNE 1990 a et b ; ERGENZINGER et KÜHNE 1991.
97 - Cf. annexe 3, texte 20.
98 - Voir chap. IV, p . $$$.
99 - KÜHNE 1990 b, p. 25-27 ; ERGENZINGER et KÜHNE 1991.
100 - Cf. annexe 3, texte 61.
101 - .
26 (W ELLES
. 1959, p. 138).
102 - Dans la mesure où la
de Ptolémée est en grande partie
une compilation de documents plus anciens, il est possible que la situation
transcrite ici soit antérieure à celle du IIe s. apr. J.-C. D’une façon générale,
les indications de Ptolémée correspondent parfois à un état plus vieux de
plusieurs siècles (POLASCHEK 1965, col. 759).
103 - Cf. annexe 3, texte 53. Sur cette identification, voir GAWLIKOWSKI 1992
et ci-dessus chapitre IV, p . 60$.
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Géographie
Avant-Propos
217
Les aménagements hydrauliques
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Halabiya
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Zalabiya
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limite des plateaux
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tracé du Nahr Sémiramis
cours de l’Euphrate en 1960
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môle-butoir
tracé restitué du Nahr Sémiramis
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La prise
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Un second canal, comparable au Nahr Dawr¬n dans
sa conception (longueur , localisation, tracé), court,
toujours en rive gauche, à la hauteur de Deir ez Z¨r et
jusqu’à proximité de Buseire. Désigné sous les noms d’alMedschri par R. Kiepert et d’al-Masrân par A. Musil,
identifié au canal de Sémiramis d’Isidore de Charax, il
débute en fait loin en amont de notre secteur d’étude, dans
le défilé d’Al-Khanouqa. Nous ne l’avons pas étudié sur
la totalité de son trajet, concentrant nos efforts sur le
secteur de prise et sur la section qui traversait notre région.
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Le Nahr Sémiramis
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En aval, les traces sont plus estompées et plaident pour
un abandon ancien 04. Il est peu probable en revanche qu’il
ait servi de canal de navigation assurant un trafic
commercial. Aucun témoignage ne vient à l’appui de ce
type de fonctionnement : au Ier s. de notre ère, Isidore de
Charax qui mentionne en amont la prise d’eau du Nahr
Sémiramis 05 ne signale aucun canal pour cette partie de
la vallée 06. Rien enfin ne permet d’entrevoir un commerce
fluvial important reliant alors la haute Jézireh à la vallée
de l’Euphrate.
Le canal ne paraît pas avoir fonctionné à l’époque
romaine tardive ; en 363, lorsque la flotte de Julien passe
par la région, c’est l’Euphrate qui lui permet de descendre
la vallée, ainsi que le relate Ammien Marcellin 07 : « quant
à la flotte, en dépit des méandres continuels, qui faisaient
serpenter le fleuve sur lequel elle voguait, on ne la laissait
prendre ni retard ni avance ». Le cours du canal est coupé
par la frontière entre les empires perse et romain : la prise
d’eau et une petite partie de son cours sont en territoire
romain, la plus grande partie de l’ouvrage en territoire
perse. L’absence d’habitat contemporain le long de ses
rives tendrait à confirmer son abandon.
217
v
cours ancien probable
structures en blocs de basalte
Fig. 31 - Restitution schématique de la prise du Nahr Sémiramis
dans le défilé d’Al-Khanouqa.
C’est peu en aval de Zalab¬ya, au sud-sud-ouest du site,
que l’on découvre un premier segment du canal, plus ou
moins bien conservé sur une longueur de quelques kilomètres
(f i g . 3 1). Il est implanté sur la terrasse holocène . La
différence de niveau avec le fleuve y est de plus de 5 m.
Même si l’on admet que le chenal était ici creusé dans la
terrasse, il est certain que la prise était située plus en amont
et que le canal parcourait donc la partie aval du défilé de la
Khanouqa, où le resserrement de la vallée, entre deux
nappes basaltiques, offrait des conditions quasi idéales de
stabilité du cours pour implanter un aménagement de prise
d’eau 08.
À cet endroit stratégique, peu en aval du site de Halab¬ya,
subsistent des aménagements situés dans le lit du fleuve
(fig . 32) ; ce sont en fait les seuls qui nous soient connus.
Ils pourraient correspondre, avec une probabilité raisonnable,
104 - L’extrémité du tronçon utilisé à l’époque est difficile à préciser. Les
coordonnées fournies par Ptolémée pour le débouché du Saokoras, difficiles
à placer sur une carte, le situent en tout cas nettement en aval de la confluence
Khb‚r/Euphrate.
105 - Cf. annexe 3, texte 41.
106 - Ce point est à nuancer, car la prise du Nahr Dawr¬n est assez loin sur
le Khb‚r et Isidore de Charax ne décrit que l’itinéraire le long de l’Euphrate.
107 - Cf. annexe 3, texte 25.
108 - Il est peu vraisemblable que la prise soit dans la partie amont du
défilé, comme le pensent F. R. Chesney (1850, p. 47) et C. Ritter (1844,
p. 687-688).
1
218
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
à des ouvrages de prise (f i g . 3 3).
Malheureusement assez mal
conservés, en grande partie masqués
par les eaux 09, ce qui empêche toute
description de détail, ils se présentent
sous la forme de deux structures
constituées de blocs de basalte bruts,
non maçonnés, simplement entassés
sans qu ’ aucun appareillage ou
parement ne soit discernable.
La première de ces structures,
située entre Halab¬ya et Zalab¬ya,
barre en partie le fleuve (fig . 34).
Constituée de blocs de 0,5 à 0,6 m de
long en moyenne, large encore de plus
de 5 m par endroits, elle s’appuie sur
la berge droite du cours d’eau où elle
est d ’ ailleurs masquée par les
alluvions d’une terrasse récente (Q00),
coupe perpendiculairement le lit
1
Fig. 32 - Le défilé de la Khanouqa, vu de l’aval. Au fond, au pied de la mesa basaltique,
le site de Halab¬ya ; au centre, une ligne blanche marque l’emplacement des vestiges du
barrage qui alimentait le Nahr Sémiramis.
Fig. 33 - Proposition de restitution des aménagements hydrauliques du défilé d’Al-Khanouqa.
109 - Ils ne sont visibles que par très basses eaux, au moment des étiages.
Est-ce l’un d’eux qui est signalé par F. R. Chesney (1850, p. 417) et qu’il
interprète comme les vestiges d’un « embankment » ?
Avant-Propos
219
Les aménagements hydrauliques
219
comme étant les vestiges d ’ un
enrochement (perré) qui aurait pu
servir à protéger le canal de l’érosion
en rive concave du fleuve, endroit
particulièrement sujet à érosion. Elle
est aujourd’hui proche de la berge
droite du fleuve, du fait du glissement
de ce dernier sur sa rive gauche dans
la concavité.
Le tracé
La partie amont du canal devait
donc passer au pied de la falaise de
Zalab¬ya , en un endroit
particulièrement exposé aux
sapements du fleuve, coincé dans un
espace forcément très restreint entre
l’Euphrate et la falaise (cf. fig . 3 1),
Fig. 34 - Vestiges du barrage à la prise d’eau du Nahr Sémiramis, vus de la rive droite.
ce qui justifie pleinement
l’aménagement de protection que
mineur sur les deux tiers de sa largeur avant de s’incurver nous pensons y avoir repéré. Bien visible au SSO du site de
vers l’amont, presque à angle droit, pour remonter dans l’axe Zalab¬ya, au pied du versant couronné par une nappe
du lit sur au moins 1 00 m . Sur la rive gauche , une basaltique, le canal contourne une partie du plateau, puis le
cinquantaine de mètres séparent l’aménagement de la berge. Jebel Ma‘az¬la. Sur ce premier tronçon, la digue est à une
Ce recul est dû à un glissement du lit du fleuve vers sa gauche, altitude de 218,7 m et l’axe d’écoulement (chenal en l’état)
conséquence normale d’un sapement de rive concave un peu à 217 m. N’ayant pas eu l’occasion de prospecter la région
en aval. Il pourrait s’agir là des vestiges d’un barrage-seuil située entre le défilé de la Khanouqa et Deir ez Z¨r, nous
ayant eu pour fonctions d’une part de régulariser la dérivation nous sommes reportés à la carte au 1/25 000 pour suivre le
située à l’amont immédiat, d’autre part de relever quelque tracé possible du canal. Apparemment, celui-ci traverse
peu le niveau de l’eau, notamment lors
des étiages, et donc de réduire la
différence de niveau entre le fleuve et
la terrasse alluviale qui le surplombe
et qui accueillait le canal 0. Dans ce
cas précis, un barrage du type habituel,
c’est-à-dire fermant totalement la
vallée, ne se justifiait pas , le but
n’étant pas de créer une réserve d’eau,
mais de stabiliser le niveau d’eau à
l’étiage pour assurer une certaine
régularité à l’alimentation du canal par
la dérivation d’une partie de l’eau du
fleuve.
La seconde structure , située
environ 1 km en aval de la précédente,
au pied de la nappe basaltique de
Zalab¬ya , est constituée de blocs
pouvant avoir jusqu’à 1,2 m de long,
et forme un V très ouvert , d’une
centaine de mètres de long (fig . 35 Fig. 35 - La structure en forme de V au pied de la mesa basaltique de Zalab¬ya, vue vers
et 3 6). Nous l’avons interprétée
l’amont (cliché A. Cuny).
11
111
110 - CALVET et GEYER 1992, p. 19-25.
111 - GEYER 1990 a, p. 76 ; CALVET et GEYER 1992, p. 22.
220
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
après avoir longé le site de Jed¬d
‘Aq¬dat 1 (9 2).
Le débouché
Nous n’avons pu le repérer avec
certitude, car la seule trace qui pourrait
y correspondre, et qui débouche dans
le Khb‚r, est trop oblitérée par les
crues (chenal de décrue) pour pouvoir
être interprétée correctement. À titre
d ’ information , elle se situerait
immédiatement au nord de Rweshed 1
(1 1 8 ; carte h .- t . II, carré G6), mais
n’a pas été reportée sur la carte.
Témoignages
— ISIDORE DE CHARAX 114 : « Basileia,
temple d’Artémis, fondation de Darius,
Fig. 36 - Détail de l’enrochement de la structure en forme de V, vu vers l’aval.
bourg urbain ; là se trouve le canal de
Sémiramis ; l’Euphrate est obstrué par des
d’abord le promontoire du Jebel el Mar‚za par une tranchée pierres en sorte qu’il se resserre et inonde les champs ; en été
qui devait ressembler fort à celle du Nahr Dawr¬n à Taiyni. cependant, les bateaux font naufrage, <7 schoenes>. »
— CHESNEY 1850, p. 417 : « a little below the walls (of
Il longe ensuite, seul itinéraire possible, le paléoméandre de
la Surt el Kasra, avant de traverser un second promontoire,
à l’extrémité duquel se trouve le site de Jebel el Kasra 2.
On le devine ensuite sur les glacis de l’Ard Hwi Hmmar,
là aussi dans une position qui rappelle singulièrement celle,
fréquente, du Nahr Dawr¬n. Plus en aval, il gagne peu à peu
de l’altitude par rapport au fleuve et aux terrasses holocènes
pour se hisser, sans doute peu en
amont de Hatla (cf. carte h .- t . I), sur
la surface de la terrasse QII. C’est là
que nous le retrouvons , encore
partiellement excavé dans la
formation QII, non loin de Tell es Sinn
(2 9).
Entre l’amont, repéré au pied du
plateau de Zalab¬ya, et la section à
hauteur de Tell es Sinn (2 9), la pente
du canal est d’environ 0,24 ‰, que
nous pouvons rapprocher des 0,26 ‰
du Nahr Dawr¬n 3 : l ’ ensemble
apparaît donc altimétriquement
cohérent.
Vers l’aval, le canal se poursuit,
en tranchée aujourd’hui peu profonde,
sur le rebord de la formation Q II
(fig . 37) avant de se perdre, 2 km
Zenobiá), and opposite the ruined castles of Halebi on the left side,
are the remains of an embankment, partly arched with bricks 15 or
16 inches square, but chiefly of solid stone. »
112 - À propos de ce site, voir LAUFFRAY 1983, p. 56 et 75. Contrairement
aux hypothèses de ce dernier, il est impossible que de l’eau dérivée du
Nahr Sémiramis ait pu alimenter les fossés de ce site.
113 - Tous ces calculs ont été effectués sans fouille.
114 - Cf. annexe 3, texte 41.
11
carte IV : trace rectiligne partant juste en aval de « Zelebi »,
avec le commentaire « Remains of an ancient canal said to extend to
the Khábúr or Araxes of Xenophon Trench of Semiramis of Rennell. »
11
Fig. 37 - Le Nahr Sémiramis à Mazl‚m (carte I, carré D3).
Avant-Propos
Les aménagements hydrauliques
— AINSWORTH 1888, p. 332 : « There are also remains of an
ancient canal , which taking its departure from below Riba
(= Halab¬ya) passes in the rear of these ruins (Sur al Humar), on
to Karkisha, and the river Khab‚r.
Isidorus of Charax has in the same district […] Basileia, with
[…] a canal which he referred to the times of Semiramis—that is
to say, to fabulous times. »
— BELL 1910, p. 528 : « Semiramidis Fossa was no doubt a
canal , and Chesney saw traces of an ancient canal below
Zelebiyeh. »
— HERZFELD 1911, p. 168 : « Auf dem linken Ufer liegen dann
die Ruinen von Zal‚biyyah und am Ausgange der Euphratenge,
wo zwischen dem steilen Uferfelsen und dem Strom kein Platz mehr
bleibt, sind noch einige Reste einer Sperrmauer und eines festen
Wachthauses erhalten, die den Weg vollständig abschnitten. »
— MARESCH 1920, p. 381 : « Noch weiter südlich, dicht am
Südabhange des Plateaus beginnend, zieht sich ein ca. 2 m breiter
und stellenweise 1 m bis 1,5 m hoher Steinwall hin, der sich weit
in die südlich Zal‚biyyah liegende Flussebene erstreckt und sich
dem Euphrat in einem spitzen Winkel nähert. Sumpfiges Gelände
und Hochwasser verhinderten mich leider diesen Steindamm
genauer zu untersuchen. Vermutlich ist es eine ältere Kanalanlage,
die möglicherweise identisch ist mit jener “fossa Semiramidis”,
die Ritter in seiner Erdkunde bei der Beschreibung dieser Gegend
erwähnt. »
— H ÉRAUD 1 922 a , carte XXXIII , feuille Halebiye :
l’aménagement est porté sur la carte avec la légende « seuil rocheux,
tunnel ».
— HÉRAUD 1922 b, p. 112 : « (dans le défilé de Halabiye) une
sorte de barrage immergé traverse le fleuve aux deux tiers. »
— ALBRIGHT et DOUGHERTY 1926, p. 16 : « The Euphrates and
Khabûr Valleys are here very fertile and water was distributed for
irrigation by the Semiramis and the Khabûr Canals (Nahr Dawarîn)
[…]. Other canals there doubtless were, but these two were the
most important, constructed before the Assyrian period, as may be
demonstrated from our literary sources. »
— MUSIL 1927, p. 183 : « we sighted to the north-northwest
the ºalebijje ruins and to the north-northeast the outlet of the
ancient irrigation canal of al-Masrân, through which water was
once led along the foot of the øarmû·ijje escarpment, which shut
in the alluvial plain of al-Kebar on the east. »
p. 184 : « On the left bank south to the defile are the Zelebijje
ruins, just below which the ancient canal of al-Masrân issued from
the Euphrates and from which a patch of flood plains extends as
far south as the outlet of this canal. »
— LAUFFRAY 1983, p. 56 : « En aval du Khanouqa et de
Zalabiyya, le canal de Sémiramis d’Isidore de Charax demeure
visible . Sur la carte de Chesney il est représenté très
conventionnellement par un tracé rectiligne et une tradition locale
lui attribue un prolongement jusqu’au Khabour. Kiepert le connaît
sous le nom d’al-Medschri ; il lui donne un embranchement se
dirigeant vers le sud et le prolonge au-delà sur quelques kilomètres.
Musil le désigne sous le nom d’al-Masrân. Il apparaît nettement
d’avion. Le point de départ se situe au pied du plateau, au point où
221
221
la coulée basaltique s’écarte du fleuve et où la piste moderne
commence à l’escalader en direction de Zalabiyya. Une levée de
terre longe la prise d’eau. Actuellement cette prise est à plusieurs
mètres au-dessus du niveau des basses eaux. Isidore de Charax
indique que, pour y faire entrer l’eau de l’Euphrate, il avait fallu
établir une digue. Des blocs de basalte qui s’avancent dans le lit du
fleuve pourraient être un vestige de cette digue […]. Le canal suit
tout d’abord le ºamâd, puis s’en détache et contourne vers le sud
un piton détaché du plateau d’Icharet al-‘Abboud. Environ 2 km
au sud-est, il se perd dans les cultures modernes, puis réapparaît
par tronçons sur au moins 18 km. Il alimentait les cultures de
plusieurs agglomérations antiques situées entre son tracé et le
fleuve. La principale, Kasra […], voisine ou correspond à la ‘Oumm
Redjeba de G. Bell. Ses fossés étaient alimentés par une dérivation
du canal, notée par Kiepert. […] Le canal devait donc être demeuré
en usage au VIe siècle. »
p. 75 : « La prise d’eau de ce canal se trouve à environ 300 m
en aval du mur sud de Zalabiyya. […] Actuellement l’eau ne peut
plus y pénétrer en période d’étiage et une digue, dont il subsiste
des blocs de basalte dans le lit du fleuve, devait élever le plan d’eau
dans l’antiquité. »
p. 75, n. 23 : « Des sondages ont permis de suivre la digue sur
presque les trois quarts de la largeur du fleuve. Les bateliers se
plaignaient de la gêne qu’elle constituait. À l’étiage les bateaux
s’y échouaient. »
Fonction du canal et datation
Comme pour le Nahr Dawr¬n se pose ici le problème de
savoir quelle était la fonction première du Nahr Sémiramis.
Les arguments évoqués à propos du premier sont ici valables,
si l’on excepte celui relatif à l’alimentation en eau par le
Khb‚r. Encore faut-il souligner que la présence d’un seuil
en tête du Nahr Sémiramis limitait l’impact des fluctuations
de niveau de l’Euphrate sur le débit du canal. En revanche,
la longueur du canal (environ 80 km), sa position fréquente
sur les glacis ou les terrasses pléistocènes, le fait qu’il propose
une voie d’eau aisée à emprunter et notablement raccourcie
(80 km au lieu de 120 km par le fleuve) vont bien dans le
sens d’un usage pour la navigation. Un autre argument est
que la trace repérée dans notre secteur (notamment
c a r t e h . - t . I, carré D3) est creusée dans la terrasse
pléistocène : les eaux canalisées dans le chenal ne pouvaient
donc guère servir à l’irrigation, sauf si l’on suppose qu’elles
étaient reprises par des machines élévatoires (chadouf, nasba,
gharraf, etc.) dont nous n’avons retrouvé aucune trace, ou
qu’elles étaient conduites vers l’aval, dans la région de
Buseire. Cette dernière hypothèse est peu probable, sinon
absurde, l’irrigation de ce dernier secteur étant plus facile et
plus efficace à partir du Khb‚r. Enfin, la présence, ici
attestée, d’un seuil dans l’Euphrate, à la prise du canal,
implique une impossibilité de la navigation sur le fleuve, au
moins durant toute la saison des basses eaux, sinon en période
d’eaux moyennes. Le témoignage d’Isidore de Charax au
Ier s. apr. J.-C. le confirme. Ce constat nous permet d’affirmer
222
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
que, durant la période de fonctionnement du canal, que l’on
peut supposer avoir duré plusieurs siècles, la navigation sur
le fleuve était soit interrompue pendant la majeure partie de
l’année — ce qui est fort peu probable —, soit pratiquée sur
le canal lui-même.
Nous n’avons que peu d’éléments directs pour dater le
creusement et le fonctionnement de ce canal dont seul le
tronçon aval se trouve dans la zone prospectée. Plusieurs sites
se trouvent à proximité de son tracé. Mais ils sont aussi situés
sur le rebord de la terrasse pléistocène qui domine directement
la vallée de l’Euphrate. À l’exception de Hatla 1 (3 3) et 3
( 2 0 7) , ils ne sont pas très éloignés du plus proche
paléoméandre et ne peuvent donc pas être considérés comme
directement dépendants du canal pour leur approvisionnement
en eau. Sur deux d’entre eux, un puits a été repéré. Il est
donc difficile de lier automatiquement le fonctionnement du
canal aux périodes d’occupation de ces sites.
Néanmoins, la forte implantation humaine dans ce
secteur de la rive gauche de la vallée à l’époque romaine
tardive, pendant laquelle sept sites au moins sont occupés,
nous incite à penser que le canal fonctionnait à cette époque ;
comme le dit J. Lauffray, « le vieux canal de Sémiramis était
certainement encore en service et entretenu 5 ». Si aucun
des auteurs des Ve et VIe s. ne fournit le moindre témoignage,
il semble que le récit par Malalas de l’expédition de Julien 6
puisse nous donner un indice pour le IVe s. ; il rapporte en
effet qu’en 363, la flotte qui descendait la vallée « arriva
dans l’Euphrate » à Circesium, laissant donc supposer qu’en
amont de cette place forte la flotte ne naviguait pas sur le
fleuve. La seule alternative est qu’elle emprunta le canal.
Auparavant, et c’est la seule certitude que nous pouvons
avoir pour ce canal, son fonctionnement est attesté pendant
l’époque classique, au Ier s. de notre ère. Sa prise est en effet
citée et localisée par Isidore de Charax : « là (à Basileia =
Zalab¬ya) se trouve le canal de Sémiramis » 7. Cette mention
pourrait toutefois attester un fonctionnement dès le IIe s.
av. J.-C., si, comme le pensent certains historiens 8, ce texte
reprend effectivement un document parthe de cette époque.
La dénomination de ce canal renvoie à la reine
Sémiramis. Y a-t-il un fondement historique et le canal seraitil de l’époque néo-assyrienne ? Sémiramis est en effet
identifiée à Sammuramat, une reine assyrienne qui exerça
la régence du royaume d’Assyrie à la fin du IXe s. av. J.-C.
pendant la minorité de son fils. Aurait-elle réellement fait
11
11
11
11
115 - LAUFFRAY 1983, p. 43, n. 13.
116 - Cf. annexe 3, texte 42.
117 - Cf. annexe 3, texte 41.
118 - W. W. Tarn (1984, p. 54-55)
pense que l’original remonterait à la
période faste du règne de Mithridate II, vers – 110/– 100. Cette datation
est contestée par M.-L. Chaumont (1984, p. 66).
119 - ALBRIGHT et DOUGHERTY 1926, p. 26.
120 - De plus, nous n’avons pas fait de reconnaissance complète du tracé
de ce canal, nous limitant au secteur aval et à la prise d’eau. Des informations
intéressantes peuvent se trouver dans la zone inexplorée.
creuser ce canal ? Ou bien est-il l’un de ces ouvrages
grandioses que la tradition gréco-romaine a attribués à cette
reine légendaire parce qu’ils frappaient l’imagination par
leur gigantisme et leur ancienneté réelle, mais indéterminée ?
Peut - on dès lors penser , avec W . F . Albright et
R. P. Dougherty 9, qu’il a été construit avant l’époque
assyrienne ? C’est une éventualité, mais nous n’avons aucun
élément concret pour en juger 20.
11
1
LE SYSTÈME DES GRANDS CANAUX DU BRONZE MOYEN
Les archives de Mari fournissent un certain nombre
d’informations concernant les canaux qui fonctionnaient aux
XIXe et XVIIIe s. av. J.-C. et sur les soucis que leur entretien
procurait aux gouverneurs des différents districts . Les
rapports adressés au roi mentionnent ainsi l’existence de
plusieurs aménagements, qui témoignent de l’ampleur du
système qui existait alors.
Plusieurs propositions d’identifications 2 ont été faites ;
les plus élaborées sont celles de J.-M. Durand, qui s’appuie
sur la documentation textuelle et sur les premiers résultats
publiés de notre prospection. Le premier constat est qu’il
est très difficile de faire coïncider les textes et le terrain.
Comme pour les sites, l’identification des canaux mentionnés
dans les archives de Mari est un problème complexe.
La documentation dont nous disposons est lacunaire.
Nous ne pouvons nous appuyer que sur les documents
retrouvés, et publiés ; de plus, cette documentation écrite ne
renseigne guère que sur les incidents qui affectent les
aménagements, et non sur leur organisation et leur mode de
fonctionnement, qui restent en fin de compte obscurs 22.
En outre, les indications données sont loin d ’être
explicites, rendant de ce fait nombreuses les interprétations
possibles. On ne donnera ici qu’un exemple de la diversité
des traductions possibles pour un même texte. Une lettre du
gouverneur de Qaflflunân (ARM XIV 13) a été successivement
traduite ainsi : 1) « le Habur, comme le canal I·im-YahdunLim et comme le canal d’IGI-KUR irrigue (le pays) » ; 2a)
« le Habur, comme le canal I·im-Yahdun-Lim et comme le
canal d’IGI-KUR est en crue » et b) « … est en état
d’irriguer » ; 3) « le(s eaux du) Habur, que ce soit dans le
canal I·îm-Yahdun-Lim ou que ce soit dans le Habur
(dIGI.KUR) lui-même sont en crue » ; 4) « le Habur, tout
comme le canal I·îm-Yahdun.Lîm et le canal de Hubur, fait
partie de notre système d’irrigation » 23. S’y ajoute la
1 1
1
1
121 - KUPPER 1952, 1988 ; GRONEBERG 1980 ; KLENGEL 1980 ; DURAND
1990 a et 1998, chap. XI.
122 - Cf. DURAND 1990 a, p. 102.
123 - 1) ARM XIV 13 (traduction M. Birot) ; 2a) DURAND 1990 a, p. 125 et
2b) ibid., n. 94 ; 3) LAFONT 1992, n. 24 ; 4) DURAND 1998, 804, p. 609. Les
difficultés de lecture, de traduction et d’interprétation sont bien illustrées
dans les commentaires de la nouvelle traduction publiée de certains textes,
comme ARM VI 5 (DURAND 1998, p. 597, n. a) ou ARM XIII 124 (ibid.,
p. 617 n. c : « le sens ne m’est pas clair. Il serait excellent de trouver après
íd-da un nom de canal ou de rivière »).
Avant-Propos
223
Les aménagements hydrauliques
difficulté à traduire et à interpréter un vocabulaire technique ;
il n’est pas toujours facile de discerner la réalité à laquelle
correspond un terme , de comprendre le mode de
fonctionnement d’une installation ni même de reconstituer
le scénario d’un incident 24.
À ces difficultés vient s’ajouter le fait qu’un même canal
semble avoir eu des noms différents selon les tronçons : « il
est vraisemblable que le terme générique recevait des
dénominations locales en fonction des endroits par où il
passait » 25 ; ainsi, le canal d’irrigation de l’alvéole de Mari
aurait eu le nom générique de « Canal-de-Mari » et des
appellations locales comme « râkibum de Zurmahhum 26 »
pour sa partie la plus en amont et « râkibum du wadi de
Dêr » pour sa partie la plus en aval ; ce même canal aurait
aussi été appelé « canal d’IGI-KUR » 27. Il semble aussi
qu’un même toponyme pouvait recouvrir deux réalités
différentes : dIGI-KUR serait à la fois le canal évoqué cidessus, nommé d’après « un lieu-dit de la rive droite de
l’alvéole » de Mari, et le Habur lui-même 28. Quant au canal
de Zurmahhum, il serait aussi attesté en rive gauche.
On comprendra dès lors que nous resterons prudents
dans nos propositions d’identification des canaux.
L’analyse des textes a permis à J .-M. Durand de
reconnaître, pour l’époque paléobabylonienne, trois grands
aménagements 29 : le « canal I·îm-Yahdun.Lîm […] qui va
de Dêr ez-Zor à Tell Ashara » ; le « canal de Mari » ou
« canal de Hubur », « rakibum ayant sa prise dans la partie
sud du district de Terqa, mais alimenté aussi par le Wadi esSouab et celui d’Abu-Kemal » ; le « canal du Habur » ou
« Habur », « rakibum qui va au moins jusqu’à la hauteur de
—uprum (Tell Abu Hassan) ».
Nous ne reviendrons pas sur le canal I·îm-Yahdun.Lîm
dont nous avons proposé ci-dessus qu’il corresponde au canal
de l’alvéole de M¨hasan. Nous ferons simplement part de
quelques réflexions que nous suggère la lecture de plusieurs
textes concernant le « canal de Mari ».
1
1
1
1
1
1
Le « canal de Mari »
Tel qu’il vient d’être présenté, ce « canal de Mari » serait
à identifier avec le canal d’irrigation de l’alvéole de Tell
Hariri ; la dénomination en serait logique en raison de la
situation de ce canal, dont il convient toutefois de rappeler
d’une part que la prise ne peut être que dans l’alvéole qu’il
parcourt, et non dans l’alvéole amont, et d’autre part qu’il
124 - À ce titre, la reconstitution de la « nuit dramatique à Mari » (LAFONT
1992 ; annexe 3, texte 11) soulève un grand nombre de questions relatives
au lieu de l’incident, à la chronologie des faits rapportés, au contenu des
actions effectuées et à leur enchaînement. Aucun des commentaires qui
ont été consacrés à ce texte n’apporte de solution vraiment satisfaisante
(DURAND 1990 a, p. 136-137 ; LAFONT 1992, 1993 ; DURAND 1998, no 813).
125 - DURAND 1990 a, p. 127.
126 - DURAND 1998, 705, p. 455, n. k.
127 - DURAND 1990 a, p. 125-127.
223
est peu probable qu’il soit alimenté aussi par les oueds
latéraux.
À la lecture des textes, cette identification ne paraît
cependant pas évidente. Une lettre de Sûmû-Hadû 30 pourrait
fournir des indices en vue d’une autre localisation.
Sûmû-Hadû, dont on nous dit qu’il était gouverneur de
Saggarâtum, nomme deux grands canaux : le canal I·îmYahdum.Lim qui arrose le district de Saggarâtum et alimente
les villes de Samânum, Terqa, Rasayyûm, Kirêtum et
Kulhîtum ; le canal-de-Mari qui arrose le district de Mari.
Des villes mentionnées le long du premier, nous pouvons
déduire que le canal I·îm-Yahdum.Lim arrosait le district
de Terqa.
Nous connaissons par ailleurs les limites approximatives
de chacun de ces trois districts 3 :
— le district de Terqa se limite à la rive droite et jouxte
celui de Saggarâtum au nord et celui de Mari au sud ;
— le district de Mari s’étend sur les deux rives ; en rive
gauche, il jouxte celui de Saggarâtum au nord ;
— le district de Saggarâtum s’étend lui aussi sur les deux
rives ; en rive droite, il jouxte le district de Terqa, en rive
gauche celui de Mari. La limite avec ce dernier n’est pas
connue avec précision, mais doit se trouver quelque part
sur la rive gauche, à un resserrement de la vallée, peutêtre vers l’actuel village de Darnaj, un peu en amont de
Terqa sur l’autre rive.
Dans sa lettre, Sûmû-Hadû proteste contre l’envoi, vers
le canal-de-Mari, de ses hommes pendant que les gens de
Terqa iraient s’occuper du canal I·im-Yahdun.Lim. Cette
protestation n’est pas simplement due au fait que ses gens
ont déjà commencé à travailler sur ce dernier.
Si le canal-de-Mari est celui qui arrose l’alvéole de Mari
en rive droite, la demande du roi paraît absurde et l’on
comprend très bien la réaction de Sûmû-Hadû : pourquoi en
effet faire aller les gens de Saggarâtum à plus de soixante
kilomètres en aval 32 pendant que ceux de Terqa, qui sont
nettement plus proches de Mari, iraient travailler au nord de
chez eux sur un tronçon amont du canal I·im-Yahdun.Lim ?
De plus, ne serait-il pas plus simple de trouver à Mari même
la main-d’œuvre nécessaire à ces travaux ? La population y
est plus nombreuse et le lieu d ’intervention en serait
beaucoup plus proche, inférieur en tout cas à 20 kilomètres.
Une hypothèse nous semblerait pouvoir expliquer à la
fois la demande du roi et la protestation de Sûmû-Hadû :
que le canal-de-Mari soit sur la rive gauche et corresponde
1
1 1
1
128 - DURAND 1997, p. 246.
129 - DURAND 1998, p. 578.
130 - Lettre A. 454, partiellement publiée (DURAND 1990 a, p. 124 ; cf.
annexe 3, texte 12).
131 - DURAND 1990 a, p. 116.
132 - Nous avons vu précédemment que la prise du canal de l’alvéole de
Mari ne peut se trouver sur le territoire de Terqa. Elle se situe obligatoirement
dans l’alvéole de Mari.
224
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
au Nahr Dawr¬n. Dans ce cas, le canal, avant de pénétrer
dans le district de Mari, passerait effectivement par celui de
Saggarâtum. Dès lors, le roi demanderait à Sûmû-Hadû
d’aller travailler sur un secteur du canal-de-Mari situé dans
son district, à une distance effectivement plus proche de
Saggarâtum que de Mari. Sûmû-Hadû qui a déjà commencé
les travaux sur le tronçon du canal I·im-Yahdum.Lim situé
dans son district protesterait quant à lui à juste titre : plutôt
que de modifier le travail en cours, il lui semble plus efficace
d’envoyer sur le canal-de-Mari les gens de Terqa, qui de
toute façon doivent se déplacer et qui n’en sont guère
éloignés, puisque ce canal passe juste en face de leur
territoire. Quitte à se déplacer et à intervenir hors de leur
juridiction, les gens de Terqa pourraient traverser l’Euphrate
et aller sur la partie amont du canal-de-Mari. La protestation
de Sûmû-Hadû serait donc guidée non tant par des raisons
de compétences territoriales que par un souci de
rationalisation et d’efficacité du travail.
Cette hypothèse semble corroborée par une lettre du
gouverneur de Terqa qui mentionnerait, si la restauration
proposée est exacte, une intervention commune des trois
districts sur le canal-de-Mari 33. S’il s’agit effectivement du
long canal de rive gauche et que le lieu de l’opération est à
proximité de Terqa, l’intervention des trois districts devient
tout à fait logique.
Les contradictions évoquées ci-dessus au sujet de la
double localisation de « dIGI-KUR » et du « canal de
Zurmahhum » nous semblent dès lors pouvoir être
partiellement résolues : ce dernier serait bien un tronçon du
canal-de-Mari, en rive gauche ; une autre dénomination de
ce canal-de-Mari serait dIGI-KUR, par ailleurs écriture
idéogrammatique de Khb‚r qui sert à désigner le Nahr
Dawr¬n 34.
Il est remarquable d’ailleurs que deux de ces textes
( ARM XIV 1 3 et ARM XVIII 33) impliquent des
gouverneurs de Qaflflunân, très en amont de Mari, sur le cours
du Khb‚r et donc plus près du Nahr Dawr¬n.
Cette proposition reste toutefois, nous le rappelons,
hypothétique, dans la mesure où nous ne pouvons nous
appuyer que sur les traductions des textes publiés. Elle
semblerait impliquer que le « canal de Mari » ou « canal de
Hubur » et le « canal du Habur » ou « Habur » ne feraient
qu’un. En attendant de nouveaux textes qui permettront
d’aller plus loin dans la reconstitution du système des canaux
au Bronze moyen, un réexamen des textes nous semble
nécessaire.
1
1
région. Cependant, de manière plus anecdotique, en tout cas
plus ponctuelle, d’autres ouvrages ont pu être construits pour
profiter de conditions ou de ressources particulières à tel ou
tel secteur de la vallée.
LES BARRAGES
Ils sont peu nombreux dans la région étudiée, car ils
sont mal adaptés aux contraintes particulières des grands
fleuves , du moins avant que n ’aient été acquises les
techniques modernes qui ont permis l’érection des grands
ouvrages hydrauliques. Les exemples sont donc rares, même
sur les oueds affluents, où ce sont surtout les conditions
particulièrement rudes de l’environnement local qui ont
limité les implantations, donc les aménagements.
Les barrages sur l’Euphrate et le Khb‚r
Ils représentent des cas à part puisque ceux qui nous
sont connus s’apparentent plus à des seuils qu’à de véritables
barrages. Il en va ainsi du celui du Nahr Sémiramis, évoqué
ci-dessus, aussi bien que de ceux des norias (cf. ci-dessous)
qui représentent les seuls autres exemples repérés sur les
cours d’eau pérennes de la région. Les ouvrages que l’on
peut être amené à restituer, hypothétiquement, à la prise des
différents canaux évoqués ci-dessus, et notamment à la prise
des canaux d’irrigation, devaient être peu ou prou du même
type. Les déplacements des lits mineurs ne nous laissent que
peu de chances de les retrouver, si tant est qu’ils n’aient pas
été totalement détruits par le flot.
D’après C. Ritter, ces seuils, qui présentent un danger
important pour la navigation en période d’étiage, semblent
avoir été autrefois relativement nombreux. Il précise à propos
de l’un d’entre eux, signalé au XVIe s. par L. Rauwolff sur
l’Euphrate entre Deir ez Z¨r et Buseire : « hier war wieder
eine Stelle, wo sie (die Arabern) Steine hineinversankt hatten,
in der Absicht, daß die Schiffe da scheitern möchten. Dies
war denn wol wiederum ein beim niederm Wasserstande
gefährlicher Querdamm, oder Zifr, wie solche bei Zelebi
und Tabuz, als diese noch reich bevölkert waren, und auf
dem Euphrat weiter abwärts bis Hit an Zahl noch sehr
zunehmen , wie dies die anliegenden antiken Reste
entschieden zeigen. » 135
Les canaux représentent incontestablement les
aménagements les plus communément réalisés dans la
C’est à l’un de ces seuils que se trouva confrontée la
flotte de Julien en 363 apr. J.-C. quelque part en aval de
notre secteur d’étude : « le fleuve ayant en effet brutalement
débordé, des cargos de blé sombrèrent, à la suite de la rupture
des barrages édifiés en blocs de rochers pour servir à répandre
et retenir tour à tour les eaux d’irrigation. Cet accident fut-il
dû à la traîtrise ou au volume du débit des eaux courantes ?
Il fut impossible de le savoir » 36.
133 - DURAND 1998, no 784, p. 583.
134 - DURAND 1998, p. 578 et 631.
135 - RITTER 1844, p. 693.
136 - AMMIEN MARCELLIN XXIV, I, 11.
LES AMÉNAGEMENTS MINEURS OU PONCTUELS
1
Avant-Propos
225
Les aménagements hydrauliques
225
Sur les oueds principaux, seuls des ouvrages de grande
dimension, en maçonnerie, pouvaient permettre de limiter
efficacement les écoulements de surface et ceux de la nappe
elle-même. C’est ainsi que, sur le Wdi Dheina, fut construit
un barrage (7 7) 37. Il fut implanté juste en aval d’une barre
rocheuse qui rétrécit le lit de l’oued, barre dont on devine
qu’elle se poursuit sous les alluvions, créant une poche
naturelle où l’eau reste piégée. En mai 1985, la nappe n’était
qu’à 2 m de profondeur dans les alluvions accumulées à
l’arrière de la barre rocheuse. C’est cette structure géologique
qui, en augmentant les capacités de rétention de l’eau en cet
endroit, a autorisé les premières implantations, probablement
dès le PPNB (Dheina 3, 8 2). Les bédouins continuent
d’ailleurs à y venir pour chercher de l’eau (cf. chap. I,
fig . 22).
Les dimensions précises du barrage, partiellement enfoui
sous des alluvions, ne nous sont pas connues. Orienté SO-NE,
l’ouvrage est visible sur une longueur de 250 m (fig . 38 a
et 39). Il s’appuie, en rive gauche, sur une butte de galets ;
l’oued qui s’est déplacé vers sa rive droite l’a peu à peu sapé
et en a détruit l’extrémité sud. La hauteur maximale visible
est de 2,8 m ; elle est de 1,7 m à la cassure (fig . 38 d).
L’alluvionnement est en effet important en amont du barrage
et les sédiments ont comblé le lac de retenue. De plus, des
dépôts éoliens masquent partiellement l’ouvrage. Celui-ci,
large d’environ 2 m à la base (du moins à son extrémité
droite, où nous avons pu l’observer), repose sur un lit de
galets d’épaisseur non déterminée. Il est construit en blocs
de dalle calcaire qui proviennent des surfaces du plateau
encadrant ; ces blocs, grossièrement taillés, sont liés par un
mortier à base de chaux très graveleux et très résistant, sans
tuileau ni cendre (fig . 40). À 1,10 m au-dessus de la base,
une assise de réglage correspond à un retrait sur la face aval :
dans sa partie supérieure, la largeur du mur n’est plus que
de 1,5 m.
Plusieurs aménagements spécifiques sont visibles. Sept
contreforts ont été repérés, de taille et de forme différentes,
et, pour ce qui a pu être observé, inégalement répartis le
long de la face aval (fig . 38 a) : à 5 m de l’extrémité de rive
gauche, un contrefort semi-circulaire de 2 m environ ; 55 m
plus loin, un petit contrefort quadrangulaire de 2 m de long
et 1,3 m de large ; à 22 m du précédent, un petit contrefort
semi-circulaire de 1 m de diamètre ; trois autres identiques,
à 35 m du précédent, puis à 30 m, enfin à 35 m ; 28 m plus
loin, et à 40 m de l’extrémité de rive droite, un contrefort
quadrangulaire de 4 m de long et 1,3 m de large. Entre les
deux derniers contreforts, à environ 50 m de l’extrémité
droite, un déversoir a été repéré et nettoyé en surface sur
4,5 m de large (fig . 38 b, c et 4 1) ; il s’agit d’un plan incliné,
constitué de ciment incluant de gros galets ; la partie amont
conservée du déversoir présente une surface lissée. Sur ce
déversoir, un massif de blocs, lui aussi revêtu de ciment,
forme un second plan incliné, décalé vers l’aval. Il s’agit
peut-être d’une réfection.
Le barrage est aujourd’hui ruiné et ne retient plus l’eau.
Les conditions dans lesquelles se produisent les crues des
oueds font que leur flot charrie un gros volume d’alluvions,
d’où les atterrissements dans les retenues, la réduction de
leur capacité de stockage et finalement la rupture des barrages
établis sur leurs cours. On peut toutefois se demander s’il
s’agissait bien d’un barrage de retenue. En effet, le danger
de comblement devait être connu. De plus, il n’y avait pas,
dans ce secteur, de raisons de construire un imposant ouvrage
du type de celui de Harbaqa, dont on peut penser qu’il avait
également pour raison d’être d’affirmer la puissance, que ce
soit celle de Rome ou de Palmyre. Il lui manque d’ailleurs
la monumentalité nécessaire à une telle démonstration. Peutêtre faut-il imaginer des ambitions plus modestes, exprimées
par un ouvrage destiné davantage à bloquer les écoulements
et à favoriser l’infiltration des eaux dans les alluvions qu’à
stocker cette eau à ciel ouvert avec tous les inconvénients
— notamment l’évaporation — que cela peut représenter
dans des régions au déficit hydrique important. Dans ce cas,
l’aménagement aurait eu pour fonction de permettre la mise
en culture des surfaces alluviales, situées en amont immédiat
du barrage 38 et enrichies régulièrement par les apports
terreux des crues. Il serait alors à rapprocher, dans sa
conception du moins, des petits barrages de terre édifiés sur
les plus petits oueds de la région.
137 - GEYER et MONCHAMBERT 1987 b, p. 324 ; GEYER 1990 a, p. 77 ; CALVET
et GEYER 1992, p. 107-112. Ce barrage a d’abord été dénommé « barrage
du Wadi es-Souab », du nom traditionnel de cet oued. Il avait déjà été
repéré par V. Müller (1931, p. 11 et 13), sous le nom de barrage de Dokhna.
138 - Un tel mode de mise en valeur est attesté par exemple en Jordanie, à
ºumayma (OLESON 1986), et est bien connu en Algérie (Ghardaïa).
Les barrages sur les oueds affluents
Les vallées des oueds affluents de l’Euphrate offrent des
planchers aux sols alluviaux, certes peu évolués, mais assez
profonds. Surtout, ils contiennent peu de gypse, car ils sont
assez bien lessivés et drainés. Leurs potentiels agronomiques
sont loin d’être négligeables d’autant que le toit de la nappe
phréatique est souvent peu éloigné de la surface et même,
éventuellement, subaffleurant, du moins en saison humide.
Ceci posé, il convient de rappeler que les plus importants de
ces talwegs peuvent être parcourus , en automne et au
printemps , par des crues brutales et destructrices . La
circulation de l’eau de la nappe, en direction de l’aval, a le
mérite de limiter la concentration en sel, mais elle entraîne
une baisse rapide et importante du niveau de l’inféroflux dès
que l’alimentation par l’amont se tarit. Aussi l’homme a-t-il
cherché à pallier cet inconvénient en aménageant quelques
ouvrages, certes rares, mais qui ont joué, au moins localement,
un rôle certain dans la mise en valeur.
Le barrage du Wdi Dheina
1
1
226
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
a - Plan d’ensemble
rive droite
rive gauche
C
Déversoir 2
Déversoir 3
Déversoir 4
D
Déversoir 1
0
b - Déversoir 1
A
zone non dégagée
zone non dégagée
ligne d’usure
0
B
5m
1
murs et contreforts
2
enduit lissé
3
enduit de galets et graviers
4
réparation
c - Déversoir 1 (coupe A-B)
A
B
enduit lissé
niveau
moyen de
la terrasse
niveau moyen de la terrasse
assise de réglage
réparation
ligne d’usure
béton de
galets et graviers
zone non dégagée
amont
0
aval
1m
d - Rupture sud (coupe C-D)
C
D
amont
aval
0
Fig
1m
. 38 - Plans et coupes du barrage du Wdi Dheina (n
o
77
, hors carte).
10 m
Avant-Propos
227
Les aménagements hydrauliques
227
C’est donc avec les trois sites qui se trouvent un peu en
amont qu’il convient de mettre en rapport ce barrage. Deux
d’entre eux ont été occupés très anciennement, apparemment
dès le Néolithique pour Dheina 3 (8 2), dès l’époque d’Uruk
pour Dheina 4 (8 3) ; ces deux sites ont aussi connu une
occupation au Bronze ancien. Le barrage ne date cependant
pas de ces hautes époques ; la présence de mortier à base de
chaux n’autorise qu’une datation plus récente. Les deux sites
de Dheina 2 (8 1) et 3 (8 2), occupés à l’époque islamique,
pourraient permettre de dater cet ouvrage de cette période.
Il n’est cependant pas impossible d’envisager qu’il ait été
construit à l’époque romano-parthe, lorsque Doura-Europos
dominait la région. Une ressemblance du mortier utilisé dans
les bâtiments de cette ville avec celui du barrage pourrait
aller dans ce sens. Les deux tessons retrouvés à proximité
du barrage n’apportent aucune précision, car le seul qui soit
identifiable 39 est un fragment de panse de céramique côtelée
qui peut dater de l’époque romaine comme de l’époque
islamique.
1
Les barrages de terre
Fig. 39 - Le barrage du Wdi Dheina vu vers le nord-est.
Sur les plus petits des oueds ont été édifiés des barrages
en terre, petites retenues dont le rôle est donc de bloquer
l’écoulement des eaux de crue et de les contraindre à
s’infiltrer dans les alluvions, allongeant ainsi la période
végétative des plantes cultivées sur les terres situées en amont
immédiat de l’ouvrage. Ils permettent une culture très
localisée, d’autant plus aléatoire que l’oued et son bassinversant sont de taille restreinte. Selon leur localisation et
l’importance des réserves en eau ainsi générées, ils autorisent
les emblavages, très localement de blé, le plus souvent
d’orge. Lors de « mauvaises années », lorsque la réserve se
révèle insuffisante à assurer le
développement de l’épi, le procédé
assure au moins une pâture
supplémentaire, sur le blé ou l’orge
en herbe. Il n’est pas impossible non
plus que certains de ces barrages aient
été édifiés pour créer des réservoirs
saisonniers pour les moutons. Dans la
mesure où nous ne les avons pas
relevés systématiquement , ils ne
figurent pas sur nos cartes. Nous en
avons rencontré notamment en rive
gauche, aux débouchés des oueds de
la région d’Es S‚sa (carte h .- t . V).
Cette technique, simple et aisée à
mettre en œuvre, était toujours utilisée
naguère. On peut supposer qu’elle est
très ancienne et qu’elle a, depuis fort
longtemps , joué un rôle dans les
Fig. 40 - Détail du parement amont du barrage du Wdi Dheina.
139 - Annexe 2 (1 73 1).
228
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
. 41 - Détail d’un déversoir du barrage du Wdi Dheina
économies agropastorales pratiquées dans ou à proximité
de la vallée de l’Euphrate.
❚
barrage et passes
de norias
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Nahr
❚
❚
200 m
❚
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❚
❚
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❚
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❚
❚
❚
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❚
❚
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❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
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❚
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❚
N
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❚
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❚
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❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
El Lawziye 1
(134)
❚ ❚
❚ ❚
❚
❚
❚
El Lawziye 2
(135)
❚
❚
❚
❚
❚
194,6
❚ ❚ ❚ ❚ ❚
❚
❚
❚
❚
El Baghdadi
(131)
❚
❚
❚
Q0a
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
194,6
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Q0a
❚
❚
❚
❚
❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚
❚
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❚ ❚
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❚
❚
Fig
❚
❚
❚
❚
❚
1 1
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚❚
Er Rashdi 1
(132)
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚
❚ ❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚ ❚
❚ ❚
❚ ❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
❚
Les norias du Khb‚r
❚
El Masri
(133)
❚
❚
❚
❚
❚
Rweshed 2
(130)
❚
❚
❚
0
195,2
❚
❚
el K
habu
r
197,8
1
À l ’ époque où
H. Charles fit ses relevés
dans la région, plus de trente
installations de norias 4
étaient encore fonctionnelles
❚
canal moderne en remblai
❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚
❚
❚
❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ ❚
❚
Les vestiges de norias
sont incontestablement plus
nombreux sur le Khb‚r ,
rivière au débit tempéré par
ses sources karstiques que
sur l’Euphrate qui est plus
sujet à de fortes variations de
son flot. De plus, le premier
bénéficie d’un lit, certes à
méandres, mais relativement
stable, car souvent bloqué
dans ses divagations par des
affleurements de galets qu’il
a bien du mal à attaquer 40,
moins changeant en tout cas
que celui de l’Euphrate.
❚
LES NORIAS
❚ ❚ ❚ ❚
❚ ❚
Fig
sur le bas Khb‚r, d’Es Suwar à la
confluence avec l’Euphrate, soit sur
environ 45 km à vol d’oiseau. Lors de
nos prospections, en 1985, sur un
tronçon d ’ un kilomètre du bas
Khb‚r , peu en amont de la
confluence, six installations de norias
étaient toujours visibles (f i g . 4 2),
dont quatre en rive gauche : Er
Rshd¬ 1 (1 3 2), El Masr¬ (1 3 3), El
Lawz¬ye 1 (1 34) et 2 (1 35 ; fig . 43) ;
et deux en rive droite : Rweshed 2
(1 30), El Baghdad¬ (1 3 1). Une seule
roue tournait encore, à Rweshed 2, les
autres installations ayant été
abandonnées au début des années
1960 au profit des pompes motorisées.
Le mode de construction est le
même pour toutes ces installations. Un
barrage - seuil , construit , pour
.
l’essentiel, en blocs de dalle calcaire
bruts, liés au mortier, barre le cours
de la rivière. Une ou plusieurs passes sont aménagées, dans
lesquelles est placée une roue ; celle-ci est actionnée par le
. 42 - Les norias du bas Khb‚r (carte II, carré G6, n
140 - CALVET et GEYER 1992, p. 47.
141 - Voir CHARLES 1939, figure insérée entre les pages 58 et 59. Pour une
os
130 à 135)
.
description plus détaillée de ces norias, voir CHARLES 1939, p. 139
CALVET et GEYER 1992, p. 46-52, DELPECH
. 1997.
et al
sq
.,
Avant-Propos
229
Les aménagements hydrauliques
229
Comme en témoigne M. F. von
Oppenheim 42, l’île de Deir ez Z¨r
était encore irriguée dans la dernière
décennie du XIX e s . par plusieurs
systèmes différents. La noria de Deir
ez Z¨r 2 (1 29) était le plus important
de ces aménagements (fig . 44). Le
barrage est formé d’un long mur,
perpendiculaire au cours d’eau, qui
s’avance dans l’Euphrate à partir de
la berge est de l’île de Deir ez Z¨r ;
un seuil en blocs de basalte prolonge
la construction dans le lit du fleuve. Il
semble possible de définir deux
phases de construction. Le premier
ouvrage, qui devait supporter une
installation de noria à roue unique, a
été construit entièrement en briques
Fig. 43 - Vestiges de l’installation de noria à El Lawz¬ye 2 (carte II, carré G6, no 135).
cuites, bien appareillées, de modules
divers, mais généralement de 25 cm
courant , qui se trouve renforcé par le barrage . Cinq x 25 cm. Il s’avance d’un jet dans le fleuve avec quatre
installations avaient au moins trois roues, celle de Rweshed 2 contreforts semi-circulaires plaqués du côté aval. Une phase
n’en ayant que deux. À deux reprises, un même barrage- de réfection, plus rudimentaire, peut être observée ; des blocs
seuil permettait une double batterie de roues, une sur chaque de basalte mal équarris et maçonnés sont surajoutés à la partie
rive ; c’est le cas d’Er Rshd¬ 1 et de Rweshed 2 d’une part, ancienne, qui est percée en trois endroits pour permettre
l’installation de roues dont les piles d’appui sont bien
d’El Baghdad¬ et d’El Lawz¬ye 2 d’autre part.
Dans plusieurs cas, des moulins étaient associés aux visibles.
À Slih¬ye 2 (7 6), la noria, appuyée contre la berge
norias, construits directement sur le barrage-seuil, au-delà
des roues. Cinq ont ainsi été repérés, à El Masri, à El droite, assurait l’irrigation d’un lambeau de terrasse Q00. Six
Lawz¬ye 1, à El Lawz¬ye 2 et à Er Rshd¬ 1 où l’on en trouve piles en briques cuites d’un module de 25 cm x 25 cm,
deux sur le même aménagement.
Les norias fonctionnaient au
début du XXe s. comme H. Charles a
pu l’observer. Elles sont vraisemblablement antérieures, mais nous ne
disposons d ’ aucun élément pour
préciser l’époque de leur construction.
1
Les norias de l’Euphrate
Plusieurs norias existaient sur
l’Euphrate. Nous avons repéré trois
installations, à Deir ez Z¨r 2 (1 29), à
Slih¬ye 2 (7 6) et à Haj¬n 3 (1 5 5) :
cette dernière, actuellement au milieu
du fleuve , a été observée par
Ch . Héraud à l ’ occasion de sa
descente du fleuve en 1922 ; elle avait
alors au moins six piles, dont une
surmontée d’une petite tour.
Fig. 44 - Vestiges de l’installation de noria à Deir ez Z¨r 2 (carte I, carré A2, no 129).
142 - OPPENHEIM 1899, p. 333 : « Die Insel ist wohl angebaut und wird von
mehreren Wasserschöpfwerken, N‘‚ra und ird bewässert » ; p. 335 :
« Um den Wasserdruck zu verstärken, ist gewöhnlich ein Steindamm
stromaufwärts in den Fluss hineingebaut. Die N‘‚ra von ed Dër sahen
gebrechlich aus, weil die hier wachsenden Pappeln und Tamarisken kein
geeignetes Bauholz liefern » ; voir aussi la photo p. 333.
230
B. GEYER et J.-Y. MONCHAMBERT
maçonnées avec un mortier à base de
gravier , de chaux et de cendre ,
délimitent cinq passes où se trouvaient
les roues (fig . 45). Deux de ces piles
sont encore conservées sur toute leur
hauteur, tandis que celle qui est au
plus loin dans le lit du fleuve est
presque entièrement détruite.
On peut ajouter six autres
installations signalées par
Ch. Héraud 43 : un peu en amont de
la confluence avec le Khb‚r (piles
sur la rive droite), à Taiyni (6 7) où
des traces d’un aménagement sont
encore visibles, mais ne sont plus
identifiables , à El ‘ Ashra (5 4) ,
probablement à l’emplacement du
pont actuel et désormais non visible,
en aval de Slih¬ye (piles dans le
Fig. 45 - Vestiges de l’installation de noria à Slih¬ye 2 (carte IV, carré M15, no 76).
fleuve , installation différente de
Slih¬ye 2), un peu en amont d’El Kishma (piles dans le formation Q00). On en trouve quelques-uns non loin de sites,
fleuve) et à 4 km en amont d’Abu Keml (piles en briques par exemple à El Jurdi Sharqi où le sapement latéral de
dans le fleuve). Signalons enfin la présence, à El Graiye 1 l’Euphrate a détruit un puits d’un diamètre interne de 90 cm,
(4 4), d’une construction en briques cuites qui pourrait être construit en briques cuites jaunes d’un module de 24 x 16 cm.
un moulin à aube.
Au pied de la butte principale du site de Jed¬d ‘Aq¬dat 1
(9 2) se voit encore un puits en tabouks (fig . 46). Un puits
moderne creusé dans la formation QII à côté du site de
LES PUITS
Shheil 2 (1 2 1) servait, en avril 1987, à une pompe dont le
Les plus nombreux se trouvent dans les vallées des fort débit malgré une année sèche est l ’indice d ’une
grands oueds affluents. Ils peuvent être soit simplement disponibilité d’eau toute l’année. Dans ce dernier cas, le
foncés dans le fond du talweg, mais le cas, rare, n’a été faible taux de salinité constaté est l’indice d’un drainage
observé que dans le Wdi Dheina, soit creusés dans les naturel efficace au sein de cette formation grossière.
terrasses alluviales à proximité du talweg. La plupart sont
maçonnés, construits en blocs de dalle
calcaire conglomératique. Le plus
souvent, des abreuvoirs leur sont
associés . Plus de la moitié est
abandonnée. Ils participent tous à
l’économie nomade.
Du fait de la salinité souvent
élevée de la nappe phréatique de la
vallée de l’Euphrate, les puits sont
relativement rares sur les terrasses qui
encadrent le fleuve . Très peu
fréquents en rive droite sur la terrasse
Q0a, où nous n’en connaissons qu’un
seul, construit en tabouks et localisé
peu au sud-ouest de Tell Hr¬m (3 0),
ils sont un peu plus nombreux en rive
gauche où, de manière générale, le
drainage interne des formations Q0 est
mieux assuré (a fortiori celui de la
o
1
Fig. 46 - Puits à Jed¬d ‘Aq¬dat 1 (carte I, carré E4, n 92).
143 - HÉRAUD 1922 a et b.
Avant-Propos
231
Les aménagements hydrauliques
Témoignages
— TAVERNIER 1712, vol. I, livre III : « (Entre Anna [Anah] et
Mached-raba [Rahba]), il y a de ces puits qui sont si profonds qu’il
est besoin de porter avec soi jusqu’à cinquante brasses de corde
qui est toute ensemble forte et menue, avec un petit seau de cuir
qui peut tenir environ six pintes. Il tient peu de place, parce qu’on
le peut plier et il s’étend après comme une calotte quand on veut
puiser de l’eau. »
LES DIGUES
Aujourd’hui fréquentes, mais non systématiques, et
souvent mal entretenues, les digues protègent les secteurs
particulièrement vulnérables aux inondations. On peut penser
qu’elles ont été nombreuses par le passé : par nature
directement exposées aux crues, elles ont mal résisté dès
lors qu’elles n’étaient plus entretenues. Un seul exemple nous
est connu, à Tell Guftn (2 3) : il doit sa préservation à la
protection assurée par la masse du tell. Deux lignes de buttes
s’allongent à l’abri du site, l’une vers l’est-sud-est, l’autre
vers le sud (cf. fig . 5). Elles sont probablement des vestiges
des digues qui protégeaient la zone des aménagements de
prise du Nahr Sa‘¬d. Le relief n’est en tout cas pas naturel,
puisque des coupes montrent un matériau d’apport. Cet
aménagement a été réutilisé anciennement pour y implanter
un cimetière.
LES AUTRES AMÉNAGEMENTS
Nous avons regroupé ci-dessous quelques exemples
d’aménagements rares et qui n’ont donc qu’un intérêt
anecdotique.
Les levées
À côté de Doura-Europos, sur le plateau, de longues
levées de pierres apparemment non maçonnées et mêlées à
de la terre délimitent trois vastes « enclos » (Slih¬ye 3, 1 53 ;
cf. cartes h .- t . III et I V, carré L15). Hautes au maximum
d’un mètre, ces levées sont ponctuellement interrompues par
des sortes de « portes » en chicane, inégalement réparties
sur leur longueur. Il s’agit d’ouvertures d’environ 14 à 16 m
de long, plus rarement 11 à 12 m, en avant desquelles se
trouve une petite levée, de longueur à peu près identique à
celle de l’ouverture et distante de 7 à 12 m. La longueur
totale de ces enclos avoisine les 4 km, tandis que leur largeur
est d’environ 1 km. Figurant sur les cartes du service
géographique de l’Armée (édition 1936), ces levées ont été
144 - TOLL 1946.
145 - Ces mêmes remarques empêchent aussi d’y voir les limites du camp
d’aviation de l’armée française, comme le suggère P. Leriche (1993 b, p. 84,
n. 17).
231
repérées par N. P. Toll 44, qui les interprète comme un mur
de protection de l’armée perse contre d’éventuelles sorties
romaines ; il ajoute cependant qu’il en existe d’autres un
peu plus loin, qu’il ne comprend pas. Comme le laisse penser
cette dernière remarque, cette interprétation est peu plausible
en raison de la taille et de la forme des zones ainsi
délimitées 45. Il ne peut s’agir non plus d’installations
agricoles, puisque le plateau ne se prête guère à une mise en
valeur agricole du fait de l’affleurement fréquent de la dalle
calcaire. Il est plus vraisemblable que ces enclos aient servi
de parcs à animaux, peut-être pour des chevaux. Étaient-ils
en rapport avec Doura-Europos ? Ce n’est pas sûr, car à
plusieurs reprises, les levées passent par-dessus de petites
buttes qui semblent correspondre à des tumulus funéraires,
comme ceux de la nécropole de ce site (22 a) ou du champ
de tumulus de Slih¬ye 1 (1 7). Si ces levées ne sont pas avec
certitude postérieures à la période d’existence de Doura, elles
le sont en tout cas par rapport à la phase de creusement et
d’utilisation des tombes, phase qu’il ne nous est cependant
pas possible de dater.
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Les qants
La seule galerie drainante souterraine (qant ou foggara)
repérée dans le secteur est celle de Sreij 2 (208), très courte,
qui était greffée sur la source de ‘Ain ‘Ali, au pied du plateau
de Shamiyeh. L’eau a dû servir à l’irrigation de quelques
jardins. Elle apparaît actuellement au fond d’un trou de près
de 3 m. Quelques aménagements maçonnés, sans doute
anciens, sont visibles à proximité. Déjà repérée dans les
années 1920 par V. Müller 46 qui signale un « aqueduc […]
qui descend de Fouedja à l’Imam Ali », la qant a été
partiellement détruite pour aménager un semblant de bassin
où les gens viennent se baigner : il n’est pas impossible que
la source, qui jaillit au pied du tombeau de Mazr ‘Ain ‘Ali
(5 3), ait eu un caractère sacré.
Plus en aval, une installation du même type semble avoir
été repérée par V. Müller aux alentours de Tell Medk‚k (2 ).
Il signale en effet un « aqueduc qui, coupant la piste de Deir
à Abou Kémal, va vers Tell Medkouk » 47. Nous n’en avons
pas retrouvé la moindre trace.
En rive gauche, rien ne permet de discerner dans le
paysage en amont de D¬bn 1 (Tell KraÌ, 6 44) les qants
que G. Bell dit avoir vues et qui lui semblent être rattachées
au Nahr Dawr¬n 48 : « though I did not see the Dawwarin,
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its presence was clearly indicated by the lines of kanats
(underground water-conduits) running in a general southerly
direction—north-north-west to south-south-east, to be more
accurate—across ground that was almost absolutely level. »
146 - MÜLLER 1931, p. 13.
147 - Ibid.
148 - BELL 1910, p. 530.